Entretien avec Constance Gros, membre de l’équipe d’animation du café-atelier associatif Le
Dorothy
Propos recueillis par Dominique Quinio

Vous êtes engagée dans le café Dorothy.
Racontez-nous…
Le Dorothy, le café-atelier Le Dorothy, comme on
l’appelle, s’est ouvert à Paris en 2017. Nous avons voulu
créer un café-atelier associatif animé par des
chrétiens, ouvert à tous, dans un esprit fraternel. C’est
un lieu d’accueil où on vient pour différentes raisons,
pour rencontrer des gens, pour se poser un moment ;
c’est aussi un lieu d’activités, parce que nous
proposons des ateliers pour se former à des activités
manuelles utiles pour la vie quotidienne (électricité,
plomberie, menuiserie…), pour reprendre confiance
dans sa capacité à faire.
Nous avons toujours, aussi, des chantiers participatifs pour rendre le lieu plus accueillant. Nous offrons une programmation intellectuelle avec des conférences. Et puis, il y a des activités sociales et solidaires en lien avec des associations spécialisées du quartier. Sans compter les temps de fête, les propositions artistiques. Avec ce foisonnement, nous voulons mettre à l’honneur les différentes facettes de l’homme : nos mains, notre tête, notre cœur.
Mais le Dorothy, c’est aussi un lieu de quartier ; nous avons eu la chance de pouvoir nous installer à Ménilmontant, dans le 20ème arrondissement, où se côtoient des publics très différents ; nous sommes un lieu de convivialité, un lieu pour les personnes isolées, parce qu’en ville, il y a non seulement de la précarité mais aussi de l’isolement. L’anonymat dans une grande ville comme Paris peut être très lourd ; ces personnes retrouvent chez nous une forme de chaleur humaine, une communauté dans laquelle chacun est bienvenu.
Qui sont les animateurs de ce projet ?
En fait, il y a plusieurs types d’engagements : une quinzaine de personnes sont au conseil d’administration de l’association pour discuter des questions d’organisation et les réflexions stratégiques. Et une cinquantaine de bénévoles sont engagés dans l’animation du café ou encore les activités solidaires, par exemple le soutien scolaire, les conseils aux sans-papier. Il y a aussi une quinzaine d’artistes résidents : peintres, céramistes, stylistes, restauratrice d’œuvres d’art. Ils travaillent là, exposent leurs œuvres, proposent des ateliers. Sans en être membres, ils sont également acteurs de ce lieu.
Comment, sur le plan matériel, vit un tel lieu ?
Le local appartient à la paroisse, Notre Dame de la Croix de Ménilmontant ; c’est un terrain qui a une belle histoire d’engagement social : un grand terrain de foot qui est devenu barre HLM et centre social ; quand le centre social a quitté les lieux, la paroisse nous a loué les locaux pour un loyer faible que nous augmentons un peu chaque année pour contribuer aux ressources de la paroisse. Nous avons deux autres ressources : la sous-location d’ateliers aux artistes présents et des soirées dansantes, le mercredi soir; nous faisons payer cette activité. Par ailleurs, il y a des dons, les recettes du café et des ateliers, même si nous tenons à proposer le maximum de nos activités à prix libre. Nous avons un seul salarié.
Un lieu animé par des chrétiens, avez-vous dit : qu’est ce que cela signifie ?
Notre projet est porté par une équipe de jeunes, catholiques surtout, qui ont à cœur de mettre leur foi en pratique,
dans un projet concret qui n’a rien de révolutionnaire dans son fonctionnement mais qui répond à beaucoup des besoins repérés autour de nous. On s’est inspiré largement du café Simone à Lyon qui s’est ouvert deux ans avant nous. Nous voulons témoigner en tant que chrétiens, mais aussi soutenir la quête de spiritualité des personnes qu’on rencontre ; c’est pourquoi on propose des conférences dont les thèmes peuvent être en lien avec le religieux et le spirituel, qui font de la place au religieux ; on a aussi une vie de prière d’équipe. On vient de lancer un groupe de partage biblique ouvert à tous, croyants ou non
Quel est le profil des personnes qui fréquentent le Dorothy ?
Elles sont à l’image de nos activités. Pour le café, ce sont des gens qui ont soif de rencontres ou besoin d’un lieu de répit et de soutien ; pour les conférences, cela dépend du thème. Pour les ateliers manuels, on retrouve des Parisiens parfois plus aisés qui veulent apprendre à bricoler ; et les déjeuners du dimanche permettent de mélanger tout le monde. Nous ne sommes pas, en tout cas, un lieu catho pour les cathos. !
Et sur le plan religieux, qui sont-elles ?
Au début, nous avons constaté beaucoup de curiosité pour le lieu. Au fil du temps, des personnes ont trouvé ici un entre-deux entre le parvis et chez eux ; les chrétiens qui viennent au Dorothy ne sont pas nécessairement pratiquants mais; pour eux, le Dorothy est un lieu intermédiaire ; un lieu-tampon. Pour des gens qui sont en chemin ou qui n’ont pas encore trouvé leur place dans l’Église mais n’ont pas envie de couper les ponts. On a la chance d’être en lien avec une paroisse dynamique ; on essaie de se compléter : ainsi, le groupe biblique pourrait être complémentaire aux propositions de la paroisse. Le diner de Noël cette année a été mixé Dorothy/paroisse. Et puis, nous accueillons également des personnes plus intellectuelles ou engagées sur différentes causes et attirées par la dimension alternative du projet.
Alternative, pour ne pas dire « de gauche » ? Certains, à l’extérieur, vous qualifient ainsi.
Alternative, car il me semble que la proposition du Dorothy vient, c’est vrai, compléter ou diversifier les propositions existantes aujourd’hui dans l’Église. Nous avons choisi de nommer notre lieu Le Dorothy en référence à Dorothy Day, journaliste et activiste catholique américaine dont les engagements pour la justice sociale, la paix et le témoignage chrétien vivant sont des sources d’inspiration qui infusent de manière diverse dans notre projet et nos activités. Le Dorothy est avant tout un lieu de vie, d’action et de fraternité vécue avec des personnes de nombreux horizons, et c’est d’abord dans cet enracinement que nous situons notre projet. Nous avons à cœur que nos idées et engagements prennent leur source dans ce que nous vivons collectivement dans le lieu, c’est pourquoi nous ne nous définissons pas comme lieu militant avec une ligne de pensée, mais comme une communauté fraternelle, accueillante et au service du bien commun, même dans les toutes petites choses du quotidien, à l’image de cette citation de Dorothy Day affichée au-dessus de notre évier « Tout le monde veut faire la révolution, mais personne ne veut faire la vaisselle ».
Pour l’équipe d’animation, le Dorothy représente un fort engagement.
Effectivement. Il faut des gens qui ont un peu de temps ou de la flexibilité dans la gestion de leur temps, ou qui
habitent le quartier. Nous sommes particulièrement attentifs à l’équilibre personnel, associatif, professionnel. Nous avons une vie d’équipe, une vie communautaire, une vie spirituelle partagée. Nous faisons deux retraites par an. Nous sommes beaucoup sollicités par des personnes qui ont le désir de créer un de ces lieux, convaincus de leur nécessité. Mais ce n’est pas facile d’aller au bout de la démarche; c’est exigeant. Au Dorothy, nous avons eu la chance de connaître un alignement des planètes : une dynamique, un lieu et une équipe.
Consulter le site Internet du Dorothy : https://www.ledorothy.fr
Se rendre au Dorothy : 85 bis rue de Ménilmontant, Paris 20e