Claude Besson, 68 ans, vivant à Nantes, engagé au CCFD-Terre Solidaire depuis plus de 30 ans, actuel président de la délégation de Loire-Atlantique  et membre du Conseil d’administration)). Membre d’une Équipe d’Animation Pastorale, officiant de funérailles. Membre de la Conférence Catholique des Baptisés de Loire-Atlantique (CCB44).

                  « Je crois en l’intelligence collective »

  1. Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François appelle à une transformation ecclésiale et sociale qui passe par un refus de toute forme de cléricalisme. Quel lien faites-vous entre transformation ecclésiale et sociale ?

Il est clair qu’il ne peut y avoir de transformation ecclésiale réelle sans une lutte contre le cléricalisme et tous les abus quel qu’ils soient. C’est une réforme de fond qui doit être engagée dans tous les milieux ecclésiaux (paroisses, mouvements et services d’Eglise etc…). Engagé au CCFD-Terre Solidaire depuis longtemps, je suis très sensible à la transformation sociale pour que chaque être humain puisse vivre dans la dignité. Le CCFD-Terre Solidaire a engagé depuis plusieurs années une démarche de démocratie participative et cette démarche est essentielle aussi bien pour la société que pour l’Eglise catholique. Les chrétiens engagés dans ce monde participent à la transformation sociale. Et de fait, cette transformation sociale peut influer sur la transformation ecclésiale. Si on ne peut assimiler l’Eglise à une démocratie, l’Eglise ne peut exister sans débat, sans dialogue réel avec tous les baptisé.es dans une démarche synodale que le pape François appelle de ses vœux.

  1. Quels domaines ou quelles évolutions vous paraissent-elles prioritaires aujourd’hui ?

Pour ma part, le domaine prioritaire, c’est le domaine du sacré.

Je rejoins en ce sens la parole de plusieurs théologiens, comme celle de Jean-Pol Gallez : « La véritable pierre d’achoppement aujourd’hui , c’est le rapport au sacré, chaque chrétien doit s’interroger : en quel Dieu je mets ma confiance ? Quelle est ma conception du christianisme ? Si ce verrou du sacré est débloqué, je pense que toute cette créativité, cette inventivité des premiers siècles, peut à nouveau rejaillir aujourd’hui et ouvrir à de nouvelles formes peut-être inattendues de célébrations et de vie en Église. ».

On l’a vu récemment au sujet de la fermeture du centre pastoral de St Merry à Paris. Même avec une volonté de « réelle » collaboration entre prêtres et laïcs, cela ne fonctionne pas avec la structure actuelle où tout est concentré entre les mains d’un curé ou d’un prêtre qui assure la fonction du sacré et qui est donc quelque part intouchable. Et je suis témoin que dans bien d’autres lieux moins médiatisés, les difficultés sont les mêmes. Cela engendre des souffrances de part et d’autre, des départs, des découragements… Le cléricalisme est lié, il me semble, à la question du sacré, même si le cléricalisme n’est pas l’exclusivité des prêtres mais existe aussi chez des laïcs en responsabilité.

J’entends souvent dans des conférences sur le sujet du cléricalisme : « Il faut revenir à l’Évangile ». Oui, j’en suis conscient d’autant que « l’Évangile annule le sacré religieux et le déplace, éthiquement, vers l’être humain. Et j’ajoute que rien dans le Nouveau Testament ne permet d’instituer un clergé hiérarchique, distinct des autres croyants » (Dominique Collin, théologien et dominicain)

  1. Quels obstacles ou quels points de vigilance voyez-vous sur ce chemin de la transformation ?

Cela rejoint la question précédente. Dans pratiquement tous les diocèses en France, en raison de la diminution du nombre de prêtres, le choix d’agrandir le périmètre des paroisses en les regroupant a été fait. Dans le diocèse de Nantes, il y a encore quelques années, huit paroisses étaient sous la responsabilité d’une équipe missionnée de laïcs avec un prêtre modérateur. Je me réjouissais de cette approche qui envisageait l’avenir de l’Eglise, pas simplement appuyée sur les prêtres, mais aussi sur la richesse de l’ensemble des baptisés. Malheureusement, aujourd’hui, il n’y a plus que 3 paroisses dans cette situation. Pourtant, ce schéma de « gouvernance » paroissiale mérite d’être approfondi.

Penser l’avenir, c’est ne plus réfléchir à partir du seul prêtre, mais à partir de la communauté chrétienne. De nombreux articles sont publiés en ce sens par d’imminents théologien.es ou autres. Pourquoi ne peut-on aujourd’hui faire quelques avancées dans ce domaine, en tentant des expériences nouvelles “… J’invite chacun à être audacieux et créatif dans ce devoir de repenser les objectifs, les structures, le style et les méthodes évangélisatrices de leurs propres communautés…” (in “La joie de l’Évangile“, n°33)

  1. Quel signe ou quelle expérience concrète vous fait dire que cette transformation est déjà en marche ou en tout cas possible ?

Au-delà des drames provoqués par la pandémie (du point économique, social et autres…), il y a eu une réflexion, une recherche qui a émergé pour revenir à l’essentiel. Et cette réflexion, ces prises de parole viennent de milieux divers et parfois des « hautes autorités ». Je pense aux leçons tirées par le Cardinal Mario Grech, le nouveau secrétaire du Synode des Evêques, : il disait que nous avions oublié qu’il y avait bien d’autres manières de faire l’expérience de Dieu que par la célébration des sacrements.

Des réalités existent à l’autre bout du monde, comme à Altamira, au cœur de l’Amazonie, où l’évêque local a confié à six religieuses la gestion d’une aire pastorale importante et ces religieuses administrent les sacrements.

La réflexion est en marche… Repenser la gouvernance de l’Eglise en y associant tous les baptisé.es dans une démarche synodale pourrait faire surgir des idées auxquelles on n’avait pas pensé. Je crois à l’intelligence collective. Au niveau de l’Eglise de France, cela me paraît complexe, tellement les diocèses sont différents, mais au niveau de chaque diocèse, je pense que cela peut se mettre en place. Il suffit d’avoir cette volonté, cette audace et aussi cette confiance en l’Esprit Saint qui habite le cœur de tout être humain. Nous ne connaissons pas l’avenir, mais nous avons le devoir de tout faire pour qu’il puisse exister.

Claude Besson