LePère Xavier de VERCHERE est salésien et Aumônier Général des Scouts et Guides de France

  1. Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François appelle à une transformation ecclésiale et sociale qui passe par un refus de toute forme de cléricalisme. Quel lien faites-vous entre transformation ecclésiale et sociale ?

L’Eglise est à la fois une assemblée visible et une communauté spirituelle, institution et corps mystique qui veut se rendre présent au monde. Son lien à la société se situe dans un dialogue mutuel, en ayant un témoignage de foi et en recevant de la société une aide précieuse comme le rappelle le concile Vatican II. Or nous nous trouvons dans une crise ecclésiale profonde liée aux abus et dont la cause est le cléricalisme comme abus de pouvoir. Cette dérive affecte aussi la société. Face à cela, le Pape prend le problème à la racine. Il appelle tout le Peuple de Dieu à une transformation en profondeur qui commence par la conversion personnelle et se poursuit pour toucher toutes les structures. Dans ce processus, l’Eglise peut ouvrir une voie et montrer l’exemple, pas seulement par des mots mais par des actes. Et mieux, cette transformation ecclésiale peut catalyser positivement la société, car les chrétiens sont aussi dans le monde comme un ferment.

  1. Quels domaines ou quelles évolutions vous paraissent prioritaires aujourd’hui ?

Trois domaines me paraissent prioritaires : l’écoute des plus pauvres, la place des jeunes et le rôle des femmes dans l’Eglise. Diaconia a lancé une belle dynamique, l’option prioritaire pour les jeunes semble bien embarquée, mais pour ce qui concerne la responsabilité des femmes dans l’Eglise, le chantier n’en est qu’à ses débuts. Ces trois défis touchent trop à l’essentiel pour être simplement circonstanciels. Si nous étions convaincus que tout baptisé a une place et une mission à accomplir, si nous nous laissions davantage guider par le « sensus fidelium », nous éviterions cette dérive du cléricalisme. Ce sens de la foi est enraciné en tout membre du peuple de Dieu qui reçoit, comprend et vit de la Parole de Dieu dans l’Eglise, quel que soit sa condition. Donner la parole, c’est aussi écouter. Et l’écoute est une attitude spirituelle fondamentale : « Ecoute Israël » ! Ensuite, un autre enjeu plus vaste encore est certainement la synergie entre les diverses composantes ecclésiales. Comment diocèses, mouvements, associations, congrégations peuvent partager et œuvrer ensemble face aux enjeux du XXIè siècle ? C’est la démarche que cherche à engager Promesses d’Eglise.

  1. Quels obstacles ou quels points de vigilance voyez-vous sur ce chemin de la transformation ?

La tentation est de vouloir obtenir des résultats visibles rapidement et finalement de se décourager quand on ne voit pas de transformation. Le Pape pointe bien l’enjeu de la conversion qui est moins un effort sur soi qu’un travail de l’Esprit en soi. Il parle du jeûne et de la prière ! Le reste suivra. Il se situe en cela dans la sagesse d’un François de Sales invitant à commencer par l’intérieur. « Qui a gagné le cœur de l’homme a gagné tout l’homme. » Un autre obstacle serait de commencer par de « hauts débats » avant d’apprendre à se connaitre et faire corps. L’expérience d’être ensemble est première. Et on ne va au bout d’une aventure qu’avec des personnes que l’on connait bien ! Enfin, il faut accepter de se laisser déplacer en s’éduquant mutuellement, sans trop arrondir les angles systématiquement : quitter ses conceptions et sortir de sa zone de confort avec l’idée que chacun a une parcelle de vérité qui se révèle souvent au final en une tension fertile. Il faut aussi éviter de rester collé à sa propre réalité et prendre de la hauteur : l’Eglise a reçu une mission de service de l’Evangile, ce n’est pas le moment de tomber dans les mesquineries ou les egos.

  1. Quel signe ou quelle expérience concrète vous fait dire que cette transformation est déjà en marche ou en tout cas possible ?

Grâce à cette crise ressort une plus grande liberté de parole dans l’Eglise. C’est toujours positif et sain quand dans une famille on s’assoie et on parle librement de sujets importants. Il y a beaucoup d’expérience peu ou mal connues qui ne sont pas capitalisées. Promesse d’Eglise en est le réceptacle. Au niveau des Scouts et Guides de France, au-delà de certains acquis comme la promesse, le jeu des conseils, la relecture, les responsabilités qui seraient à diffuser vu les fruits éducatifs et spirituels que l’on découvre, il y a aussi le « conseil des jeunes » initié en 2019. Il est le fruit d’une réflexion des SGDF sur l’éducation à la prise de décisions et à la citoyenneté dans le processus démocratique de l’association. Un conseil des jeunes est un espace dans lequel les jeunes s’expriment librement et où leur parole n’est pas influencée par les adultes. Ils échangent, débattent, délibèrent et le résultat de leurs discussions est porté aux différentes instances de l’association. Et cela marche très bien ! Nos jeunes confirmés dans l’Eglise pourraient avec ce modèle trouver davantage de place dans les instances et apporter un souffle certain.