Assemblée Plénière Lourdes 6 novembre 2019

Intégralité du message lu par Dominique Rouyer (CCFD-Terre Solidaire) et Emmanuel Odin(Communauté de l’Emmanuel)

Vous ne vous attendiez peut-être pas à nous voir ensemble à une tribune. Je suis Emmanuel Odin responsable avec mon épouse de la Communauté de l’Emmanuel en France et moi je suis Dominique Rouyer, Secrétaire Nationale du CCFD-Terre Solidaire. Dominique Quinio, Présidente des Semaines Sociales de France ainsi que Guillaume Nicolas délégué général de la DCC sont dans la salle et pourront participer à nos échanges.

Nous sommes venus vous présenter, à l’invitation de Mgr de Moulin-Beaufort, la démarche de notre groupe d’une quarantaine de responsables de mouvements d’Eglise, communautés et associations qui porte aujourd’hui le nom de “Promesses d’Église”. Cette intervention s’inscrit pleinement dans ce que nous avons vécu depuis 2 jours tous ensemble.

Promesses d’Eglise, un nom qui peut paraître un peu présomptueux mais nous ne nous sommes pas toujours appelés ainsi car c’est en avançant que s’est précisée notre démarche et, comme nous allons vous l’expliquer, à chaque étape nous avons changé de nom.

Cette démarche est née du choc qu’a représenté pour nous et pour tant d’autres, la révélation de l’ampleur des abus sexuels commis dans l’Église. Cette découverte a bouleversé beaucoup de responsables d’organisations en lien avec des enfants et des personnes fragiles. Bien avant août 2018, ils avaient pris des mesures pour accompagner les victimes, mettre en place des procédures destinées à éviter ces abus et à sanctionner ceux qui pourraient subvenir. Nous avions le souhait de partager et confronter nos méthodes. C’est la lettre du Pape, faisant le lien entre abus sexuels, abus de pouvoir et abus de conscience et appelant le peuple de Dieu à réagir contre ce qu’il a appelé le cléricalisme, qui nous a fait prendre conscience de l’importance de répondre à cet appel, non pas chacun de son côté mais en rassemblant nos forces et nos diversités pour porter ensemble cette transformation ecclésiale à laquelle il appelle.

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Partis d’un petit noyau d’une dizaine d’organisations qui s’étaient exprimées sur le sujet d’une manière ou d’une autre, nous avons eu immédiatement la préoccupation de l’élargir le plus possible à d’autres organisations et nous nous sommes retrouvés vite près d’une trentaine de mouvements, associations, communautés lors de notre première rencontre de mai 2019 à la CEF, pour laquelle nous avions invité nos évêques accompagnateurs respectifs pour dire et se dire comment nous avions reçu cet appel. Nous avons entendu ce jour-là 25 interventions de responsables de mouvements, d’associations, de communautés de statuts et de tailles différentes, un émouvant kaléidoscope qui, malgré sa diversité, ne prétendait pas représenter l’ensemble des catholiques de notre pays, mais qui témoignait d’une volonté commune de répondre à la lettre du Pape.

Nous avons éprouvé une joie de nous retrouver ensemble venant d’horizons si différents avec la volonté de partager et de nous enrichir mutuellement. Nous avons vécu ce jour-là une expérience de communion qui a suscité le désir d’avancer ensemble, dans un amour de l’Eglise, de vivre cette fraternité et de vivre pleinement notre vocation de baptisés.

Et déjà, émergeaient quelques thèmes qui vont ensuite se préciser : l’égale dignité des baptisés, une relation de confiance avec les prêtres et les évêques qui les accompagnaient et le désir de travailler avec eux, la volonté de faire évoluer la gouvernance dans l’Église en commençant par celle, chacun, de sa propre structure. Nous avons parlé ce jour-là collégialité, co-construction des décisions, parité hommes-femmes, dialogue fraternel, mais aussi de donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et de la nécessité d’un fonctionnement moins pyramidal. Nous avons parlé également de gouvernance partagée. Nous sommes tous concernés par des situations d’abus d’autorité ou de pouvoir dans nos mouvements, associations et communautés, à titre professionnel ou même familial et s’est exprimé le désir que nos expériences vécues dans nos mouvements puissent aider à revoir les modes de gouvernance dans l’Église. Avec, dès cette première rencontre, un consensus fort sur le souhait de se mettre au service de l’Eglise, de travailler de concert, en pleine collaboration avec les évêques.

Et c’est ainsi que nous nous sommes appelés “Gouvernance en Église”.

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Notre deuxième rencontre, en juin 2019, nous a permis d’approfondir le sens de l’appel du Pape. La plupart des organisations participantes sont engagées dans la transformation de notre société, pour la rendre plus juste et plus fraternelle et dans le soutien aux plus vulnérables. En revanche, elles ne s’étaient guère intéressées jusque là, en tant que structures, à la transformation ecclésiale. La lettre du Pape a permis la prise de conscience que les abus sexuels ne constituent que la manifestation la plus grave et la plus révoltante d’une crise profonde qui affecte le fonctionnement de l’institution ecclésiale et que le pape désigne par le mot cléricalisme. Il s’agit, écrit-il, “d’une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Église qui peut être favorisée aussi bien par les clercs que par les laïcs“. C’est donc ensemble que nous souhaitons imaginer une conversion de l’agir ecclésial. C’est en ce sens que deux apports théologiques nous ont éclairés lors de cette deuxième rencontre sur le sens d’une Église synodale que notre Pape appelle de ses vœux, une Église où chacun est à l’écoute des autres, où chacun accepte d’apprendre des autres et où chacun est au service des autres.

C’est ainsi que notre démarche a changé une première fois de nom et s’est appelée “Synodalité”.

Durant le mois de septembre, Mgr de Moulins Beaufort nous a fait l’honneur et la joie de rencontrer une délégation de notre groupe. Il nous a proposé que deux évêques, Mgr Blanchet et Mgr Fonlupt, suivent nos travaux et il nous a demandé de venir vous présenter notre démarche.

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Où en sommes-nous aujourd’hui ?

Nous nous sommes réunis une troisième fois fin septembre. A chaque réunion nous représentons une quarantaine de mouvements et nous sommes autour de 60 à 70 personnes. Nous allons maintenant engager une phase de travail autour des thématiques qui se sont dégagées petit à petit et qui vont demander à être précisées : l’égale dignité des baptisés, la synodalité, le rôle des femmes, le souci des plus vulnérables et des périphéries, c’està-dire de tous ceux qui ont du mal à sentir chez eux dans l’Église, la formation et le mode de vie des clercs, et bien-sûr la lutte contre les abus sexuels. Nous envisageons de planifier tout au long de l’année 2020 un cycle de soirées thématiques, avec apports, réflexions et partage des pratiques, préparées par un petit groupe qui travaillera avec des personnes ressources (théologiens, ecclésiologues, biblistes…), certaines sont déjà intéressées pour y participer.

Par ailleurs et cela compte beaucoup pour nous tous, chacune de nos rencontres est aussi un temps de célébration de la joie et de l’espérance de vivre ensemble cette démarche, joie de se découvrir dans nos diversités et en communion, souci de l’écoute de tous, espérance que cette crise soit l’occasion d’un renouvellement profond de notre manière de faire Église, qu’elle nous appelle tous à une conversion de notre manière de vivre l’Église.

C’est portés par cette espérance et particulièrement par les mouvements de jeunes présents parmi nous, (JOC, MRJC, SGDF, SUF) que nous avons souhaité changer à nouveau de nom et que nous avons choisi  “Promesses d’Église”.

Non pas que nous nous considérions comme l’Église à nous tout seuls, mais comme le disait un des jeunes présents, parce que nous avons envie de rêver l’Église, d’imaginer une Église dans laquelle nous trouverions tous notre place, une Église où nous serions davantage acteurs, sans oublier les plus fragiles.

Nous avons maintenant au moins trois défis à relever :

  1. Réussir à travailler ensemble sur les sujets clefs identifiés, clercs et laïcs, avec nos différences et la diversité de nos sensibilités.
  2. Ne pas rester entre nous, au niveau parisien des responsables de mouvements, et entrer en dialogue au niveau de nos réseaux et de nos paroisses, dans les provinces et diocèses. Nous savons que déjà des initiatives sont prises.
  3. Produire une réflexion de qualité en y associant la parole des sachants et celle des nonsachants en nous mettant à l’écoute de tous, en produisant une synthèse qui pourrait contribuer à un processus de type synodal et à une transformation heureuse de notre Église.

En conclusion, nous pourrions dire que notre souci est de contribuer à ce que l’annonce de l’Évangile reste une bonne nouvelle audible et crédible dans notre société. Le mot “promesse” dit bien notre souci de l’avenir de l’Église et notre conviction que cet avenir est à construire avec l’ensemble du peuple de Dieu. La démarche que nous avons initiée est pour nous un signe de l’Église que nous espérons. C’est une démarche de communion et de synodalité pour participer à la construction de l’Eglise du Christ en nous mettant à l’écoute de l’Esprit Saint.

Nous sommes au début de cette aventure, en recherche, et peut-être que sur ce chemin, nous aurons encore envie de changer de nom !

Nous vous remercions très chaleureusement de la confiance que vous nous avez faite en nous permettant de rendre compte de notre démarche.

Avant d’écouter vos réactions et de répondre à vos questions nous vous proposons de regarder avec nous quelques images tournées lors de notre dernière rencontre, pour mieux sentir l’atmosphère de ce qui se vit entre ces mouvements, associations et communautés.