La question paraît simple. Cherchez à y répondre et vous verrez que c’est plus compliqué que cela n’en a l’air. La branche de la théologie qui réfléchit à ce qu’est l’Église s’appelle l’ecclésiologie (ecclésia est le mot grec, repris en latin, qui désigne l’assemblée). Il existe de nombreux ouvrages savants en la matière. Un groupe de travail de Promesses d’Église a voulu apporter sa pierre à l’édifice dans le cadre de la réflexion autour du synode.

Propositions du groupe de travail

Proposition 1. Une réflexion renouvelée sur l’articulation entre la sainteté et la dimension pécheresse de l’Église. Conséquences concrètes dans la lutte contre les abus.

Il semble important de mener un travail théologique profond sur l’articulation entre la sainteté et la dimension pécheresse de l’Église. Traditionnellement l’Église est reconnue « sainte et pécheresse » en tant qu’elle « enferme des pécheurs dans son propre sein » (LG,8). Mais on commence à percevoir qu’elle n’est peut-être pas seulement pécheresse en ses membres mais que le péché peut atteindre sa structure ou revêtir une dimension institutionnelle. À la lumière des expériences récentes où l’Église en tant qu’institution a reconnu ses défaillances et exprimé son repentir (L’Église catholique à travers les déclarations de JP II sur l’antijudaïsme et l’antisémitisme chrétien en 2000 ou l’Église de France sur les abus sexuels en 2021) il semble nécessaire de repréciser l’articulation péché-sainteté au sein de l’Église et la manière dont nous concevons la nature ou l’être profond de l’Église, et, en conséquence, de penser et mettre en œuvre les dispositifs appropriés de contrôle, d’identification, de prévention et de suivi des risques systémiques.

Proposition 2. Apport de la théologie œcuménique : un consensus différencié intra-catholique sur les questions liturgiques.

Lors de la Déclaration Conjointe sur la Justification (1999) l’Église catholique et la Fédération Luthérienne Mondiale ont montré qu’une réconciliation doctrinale était possible sur des thèmes qui avaient généré des divisions pendant des siècles. Ce travail a donné lieu à un renouveau des méthodes théologiques, notamment le « consensus différencié » où la formulation commune de l’essentiel de la foi fait aussi droit à des différences d’accentuations qui témoignent des préoccupations des communautés. L’accent mis sur tel aspect ou tel autre ne se joue pas au dépend de l’accord. Aujourd’hui l’Église Catholique en France pourrait s’inspirer de ces méthodes et identifier les “consensus différenciés” qui seraient nécessaires pour être plus synodale.

Par exemple la liturgie dominicale (rite extraordinaire etc.) pourrait faire l’objet d’un tel travail : relire l’histoire de la réception de Vatican II ensemble ; faire un travail théologique pour expliciter les points d’inflexion et, en prenant le temps qu’il faut, élaborer un « consensus différencié » où les différences ne se durcissent pas en contradictions.

Proposition 3. Manifester la primauté de la grâce baptismale et la dimension de l’Eglise « Peuple de Dieu » dans la catéchèse et dans le discernement des ministères.

La notion « Peuple de Dieu » est une notion à la fois biblique et de la tradition, que Vatican II a mise de nouveau en lumière, et qui nous donne la possibilité et l’instrument pour mener un travail théologique approfondi sur la primauté de la grâce baptismale. La notion de « Peuple de Dieu » serait aussi une bonne porte d’entrée pour conduire une réflexion sur la sacramentalité de toute l’Église et sur une nouvelle manière d’envisager la participation à la charge pastorale. Fonder toujours plus profondément l’identité et la responsabilité des baptisés doit amener à une réflexion renouvelée sur l’identité et le rôle du prêtre – hors de tout cléricalisme, sur une communion approfondie au sein du Peuple de Dieu. Cela pourrait se traduire concrètement par deux choses :
1) Présenter les sacrements en catéchèse en mettant davantage l’accent sur le “sacerdoce des baptisés” et sur le fait que le sacrement de l’ordre n’est pas un “super sacrement” qui détermine tout le fonctionnement de l’Église.
2) Redonner une place au “Peuple de Dieu” dans l’appel, le discernement et l’accompagnement du ministère ordonné. Le ministère n’est pas qu’une affaire de vocation privée (prêtres) ou de discernement de la seule nonciature (évêques) mais il est aussi le fruit d’un appel que la communauté adresse en vue de la mission. En plus de l’insertion de laïcs formés dans les équipes des séminaires, on pourrait rendre visible cette place du “Peuple de Dieu” dans la liturgie même de l’ordination au moment de l’appel des candidats par exemple.

Proposition 4. Une ecclésiologie davantage centrée sur le Christ : céder sa place et donner la parole.

Pour s’inscrire dans la démarche du Christ qui s’est déplacé vers nous, pour être au service de la rencontre de Dieu avec le monde, une Eglise non plus en surplomb mais en diaspora et prophétique ne peut être qu’en mouvement : elle se déplace et, bien souvent, se laisse déplacer. Or une Église se laisse déplacer quand ses membres apprennent à s’ouvrir aux périphéries, à “céder leur place”, à “changer de place” pour que chacun en ait une. Il s’agit de se convertir, de réaliser que nous ne “sommes” pas le pouvoir que nous avons. Deux propositions pour manifester ces déplacements
1) « Les dimanches du témoignage » : lors de nos assemblées dominicales, laisser la parole, lors de l’homélie, à des personnes dont on n’entend jamais la voix nous dire « ce qui » ou « qui » les fait vivre ?
2) Inaugurer un ministère de prédication des laïcs pour que d’autres puissent habiter cette “place” très symbolique du commentaire de la Parole.

Proposition 5. Une « Eglise communauté » : favoriser les interactions entre paroisses, mouvements, communautés.

Le sous-groupe « Eglise communauté » était composé de personnes ayant leurs racines tantôt dans le terreau paroissial ou diocésain, tantôt dans des « mouvements nationaux », tantôt dans des congrégations. On ressent la limite de ces frontières. Un progrès serait de rendre beaucoup plus perméables les frontières aujourd’hui étanches entre les communautés paroissiales, l’Église diocésaine en général, la Conférence des Evêques de France et les « mouvements nationaux » : mouvements d’action catholique, mouvements de la diaconie, communautés nouvelles. Cette rencontre s’est accomplie en partie au sein de Promesses d’Église. Elle devrait être désormais beaucoup plus systématique – aller au-delà de l’invitation faite aux mouvements de s’impliquer dans les synodes diocésains – et contribuer au développement de dynamiques inter-diocésaines canoniquement reconnues.