Marie-Jo Thiel
Plus forts car vulnérables !
Ce que nous apprennent les abus dans l’Église. Avec la participation de Patrick C. Goujon. Salvator, 2023, 236 pages, 20 €.
Les multiples expressions d’abus, sexuels et spirituels, nécessitent une analyse de leurs causes. La tentation de la toute-puissance atteint ceux qui sont en position de pouvoir. Cela cache souvent un déni de vulnérabilité. Reconnaître que nous sommes vulnérables indique une voie de sortie. Marie-Jo Thiel réfléchit depuis longtemps à partir de ces situations (voir « Prévenir la pédophilie », Études, n° 4239, juin 2017, et son livre Abus sexuels, Presses universitaires de Strasbourg, 2022, voir Études, n° 4298, novembre 2022, p. 134). Elle propose dans ce livre une réflexion théologique sur la notion de vulnérabilité. Loin d’être une faiblesse dont il faudrait se défendre, la reconnaissance de sa fragilité ou de ses blessures peut ouvrir à des relations plus authentiques aux autres et au monde. Sans reconnaissance de sa vulnérabilité, la personne n’est plus qu’un « robot indifférent au prochain ». Le parcours procède de l’analyse de cas concrets, en particulier l’affaire Santier (ancien évêque de Créteil). Cela montre le danger de comprendre le sacerdoce soit comme une protection qui donne tous les droits, soit, à l’inverse, comme un manque qui appelle des compensations. Il importe de décrypter l’arrière-plan anthropologique pour critiquer une anthropologie substantialiste qui minimise la place des relations. Il faut aller jusqu’au niveau théologique, dénonçant le « Dieu pervers » (Maurice Bellet) dont l’« amour » emprisonne au point de nier l’autre. À l’encontre, le Dieu qui se révèle en Jésus est un Dieu blessé. Un dialogue avec Patrick C. Goujon prolonge le propos. Ce dernier donne un épilogue où il réfléchit sur ce que les abus révèlent d’un fonctionnement ecclésiastique qui pose de sérieuses questions. L’issue passe par une écoute des personnes victimes qui fait prendre conscience à l’Église qu’elle sera d’autant plus forte qu’elle se reconnaîtra vulnérable.
François Euvé