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Formation des prêtres

Les Femmes dans l’Église

Les Jeunes dans l’Église

Les Pauvres dans l’Église

Lutte contre les abus sexuels

Périphéries

Prospectives

Qu’est ce que l’Église

Synodalité

 

En finir avec le cléricalisme

Loïc de Kerimel, Préface de Jean-Louis Schlegel, Editions Seuil, 2020, 304 p.

Dans sa « Lettre au peuple de Dieu », le pape François identifie la cause principale des abus dans l’Église au « cléricalisme ». Mais que signifie ce terme, et d’où vient-il ? Et comment en sortir ? Tel est le propos de Loïc de Kerimel dans un livre qui propose un vaste parcours historique des deux mille ans d’histoire de l’Église. Il faut en effet remonter au commencement pour voir quand et comment s’est formé le couple clerc-laïc, absent du Nouveau Testament. On est passé d’un « peuple de prêtres » au « peuple des prêtres ». Ce qui se donne à voir dans l’Évangile est, au contraire, la fin des sacrifices, la déchirure du « rideau du Temple » qui séparait l’espace sacré (« pur ») de l’espace profane (« impur »). Mais diverses influences ont conduit très tôt à réimplanter un fonctionnement hiérarchique de la communauté chrétienne (dédoublé par la minoration des femmes, « laïcs au second degré ») et à donner une importance centrale à la notion de sacrifice. Par réaction à la Réforme, le concile de Trente renforce cette tendance. La thèse de l’auteur est que la séparation avec le judaïsme (qui deviendra une hostilité) est l’une des causes de cette dérive, dans la mesure où le judaïsme synagogal renonce, quant à lui, à tout sacerdoce. La relation rétablie au concile Vatican II est un signe d’espoir. Historiens et théologiens pourront débattre de la position engagée de l’auteur, appuyée, il faut le souligner, sur de bonnes références.

François Euvé

Réparons l’Église, Scandales, abus, révélations.

Dominique Greiner, Préface de Marie-Dominique Trébuchet. Postface de Luc Forestier, Editions Bayard, 2020, 130 p.

Une enquête réalisée par un questionnaire auprès des lecteurs de La Croix et du Pèlerin, de mars à juin 2019, sur le thème « Réparons l’Église », a suscité près de 5 000 réponses. L’ouvrage de Dominique Greiner, rédacteur en chef à La Croix, livre de façon structurée ce matériau au contenu à la fois riche et convenu. Riche car, par leur nombre même, les réponses manifestent une grande attente et un questionnement fécond vis-à-vis de l’institution. Convenu car la crise semble avoir pour principal effet de renforcer chacun dans ses convictions, sans que se créent véritablement des passerelles ni que s’esquissent des perspectives pour « mieux faire » (plutôt que « réparer ») l’Église. Quant au volet de « préconisations », rien de vraiment neuf n’émerge : la mise en œuvre de Vatican II a encore de beaux jours devant elle… C’est de l’Église comme institution qu’Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix, voulait se mettre à distance (avant d’y revenir…), en prenant son bâton de pèlerin, le nez au vent, pour parcourir la France de (quelques) personnalités « cathos » engagées dans une variété de ministères, de situations de vie, de statuts sociaux… « Ce dont nous avons besoin, c’est de savoir ce que signifie, aujourd’hui, être catholique. » Pour répondre à cette vaste interrogation par temps de crise, une belle galerie de rencontres nous est proposée, parcourue par une grande liberté de ton, avec parfois des accents très personnels, que ce soit de l’autrice elle-même ou de ses interlocuteurs. Pas de solutions toutes faites, pas (trop) de propos définitifs, simplement des parcours de vie qui tentent d’apporter des réponses particulières à « la seule question qui vaille […] : comment on vit soi-même l’Évangile » (François Sureau). Un dernier mot qui en appelle bien d’autres…

Antoine Corman

Les laïcs peuvent-ils aussi prêcher ?

Enzo Bianchi, Claudio Ubaldo Cortoni, Fabrizio Mandreoli et Riccardo Saccenti, Editions Lessius « La part-Dieu », 2020,136 p.

La question de la prédication est d’actualité dans l’Église catholique. Le magistère fait régulièrement mention des difficultés qu’elle suscite et bien des chrétiens, qui sont aussi des chrétiennes, s’interrogent sur une pratique qui reste essentiellement réservée, verrouillée. Alors que l’homélie engendre beaucoup d’indifférence, d’ennui, parfois de rejet, les textes magistériels renchérissent depuis les années 1990 sur le lien qui unit cet acte liturgique à la personne du « ministre sacré ». Pourtant, la prise au sérieux de l’identité baptismale, avec la dimension missionnaire qui lui est attachée, impose de s’interroger sur le plein exercice de la diaconie de la Parole au sein de l’ensemble du peuple chrétien. Or il se trouve que l’histoire de l’Église elle-même provoque à ouvrir le débat. C’est la vertu de ce livre, qui convoque la parole d’historiens, de faire la démonstration que la question a occupé d’autres époques, qu’elle fut objet de controverses intenses où elle reçut des réponses diverses, incluant en certains temps la reconnaissance d’une prédication exercée par des laïcs, y compris par des femmes. Grâce à ces pages, on accédera ainsi à l’histoire complexe de la réforme grégorienne qui, au XIIe siècle, avait déjà affaire à des questions de pleine actualité autour du laïcat et de l’exercice de la parole d’enseignement et de prédication. Les perspectives qu’ouvre Enzo Bianchi, en introduction, invitant à un renouvellement de notre pratique contemporaine, se trouvent ainsi appuyées et légitimées par une tradition qui, bien comprise, se manifeste comme principe de liberté et d’innovation. Des annexes donnent accès à des documents précieux, qui vont de l’époque de Pierre Damien (1007-1072) à la nôtre.

Anne-Marie Pelletier

L’Église, des femmes avec des hommes

Anne-Marie Pelletier, Editions du Cerf, 2019, 248 p.

Selon son « ouverture », l’ouvrage prolonge en l’enrichissant Le signe de la femme (Cerf, 2008), grâce à d’autres travaux parus auparavant et entretemps. L’« envoi » final rappelle que « la jubilation du Cantique des cantiques sera l’unique et définitive vérité de l’humanité ». Le bilan du premier chapitre porte sur « la manière dont s’est vécue la relation entre l’institution ecclésiale et les femmes depuis les dernières décennies », surtout du point de vue de l’exercice de l’autorité, sous l’angle du rapport entre sacerdoce baptismal et ministère presbytéral. Deux chapitres légitiment ensuite la plus valable des lectures féministes de l’Écriture. Des écueils sont pointés : « un monde défavorable aux femmes », certains ravages d’un ordre patriarcal et les périls de la métaphore féminine dans la théologie de l’Alliance. Mais des surprises vétérotestamentaires valorisent maintes « femmes vaillantes », destinées à introduire « l’Évangile des femmes ». « Le temps des femmes, quelle chance pour l’Église ? », se lit comme le chapitre le plus novateur, d’une prose admirable, nourrie d’auteurs anciens et actuels, en faveur de la vie et de la sainteté du Corps entier. « Éclats de féminin. Petit inventaire du “signe de la femme” » conclut la trajectoire d’une concision scrupuleuse, tant sont pesées expressions et citations aux enjeux décisifs. Une borne milliaire, d’ores et déjà, sur le sujet d’« une théologie approfondie du féminin », appelée de ses vœux par le pape François dès l’aube de son pontificat.

Yves Simoens

Filles et fils de Dieu. Égalité baptismale et différence sexuelle

Luca Castiglioni, préface de Christoph Theobald, Editions du Cerf « Cogitatio fidei », 2020, 688 p.

Un ouvrage majeur vient nous rejoindre au cœur d’une conjoncture sensible. Il a pour objet initial la question des femmes dans l’Église, telle qu’elle s’impose toujours plus en notre contexte sociétal et ecclésial. Mais le sujet est ici démultiplié par Luca Castiglioni – prêtre du diocèse de Milan – à une ampleur et une profondeur qui donnent à l’ouvrage un prix unique. Exemplaire est la générosité de l’intelligence théologique qui s’exerce tout au long d’une enquête qui sollicite, de façon croisée, l’anthropologie et la théologie, sur la longue durée des siècles de christianisme, jusqu’à ce moment de crise – moment de clairvoyance critique – qui se vit présentement dans l’Église.

Au point de départ, il y a la résolution de prendre en compte sans esquive cléricale une parole de femmes forcément dérangeante, sans se laisser effaroucher par le terme de féminisme, ni par certaines radicalités. Il y a aussi cette évidence que la théologie trouve d’autant plus de consistance qu’elle associe auditus fidei et auditus temporis, comme le concile Vatican II a pu y engager en s’ouvrant lui-même à une écoute du monde auquel la foi entend parler. Ainsi, Castiglioni prend la peine de s’immerger dans une foisonnante littérature féministe sur le mode d’un « écouter discernant », selon un terme de la préface de Christoph Theobald, directeur de la thèse que fut d’abord ce livre. Au terme de quoi, l’auteur questionne avec franchise : avons-nous assez écouté les femmes ? Les réponses formulées par l’Église sont-elles à la hauteur des problèmes ? L’histoire de l’anthropologie chrétienne est alors revisitée, d’Augustin au concile Vatican II, en passant par la théologie d’Hans Urs von Balthasar (1905-1988) et son double principe marial et pétrinien, censé accorder une pleine reconnaissance au féminin. C’est l’occasion de très précieuses analyses qui rendent crûment sensible la modulation en continu de quelques partis pris tenaces : telle cette assignation du féminin à une essence, prétendument fondée dans les Écritures, qui garantit sous tous les régimes philosophiques et théologiques une primauté masculine conjointe à une secondarité féminine.

C’est en revenant au centre de la foi chrétienne, là où s’énonce la nouveauté évangélique, que Castiglioni trouve le passage pour sortir de l’ornière. Ainsi, prenant véritablement au sérieux la forme eschatologique des relations que le baptême inaugure, il montre que le christianisme est en mesure de libérer de la sempiternelle dissymétrie qui empoisonne la relation entre les sexes et enferme les femmes dans des stéréotypes et des pratiques qui les aliènent. Tel est bien le levier ici désigné : cette commune filiation divine qui, dans le Christ, fait les hommes et les femmes égaux, fils et filles de Dieu ensemble. Sachant que c’est dans cette identité filiale que les différences peuvent être reconnues, respectées, vécues sur un mode charismatique, donc d’une manière qui édifie l’humanité selon Dieu.

Rouvertes à la lumière de cette affirmation de l’égalité baptismale, les Écritures livrent de nouveaux trésors de sens. Le lecteur en fait l’expérience, renvoyé qu’il est de la Genèse au Cantique des cantiques, mais aussi entraîné dans le corpus paulinien d’où s’élève la proclamation de Galates 3,28 (« Désormais, dans le Christ, il n’y a plus l’homme et la femme »). Les pages consacrées à la manière dont Jésus rencontre les femmes et les hommes apportent beaucoup de lumières. À lire d’un peu près l’Évangile, dans la fidélité à ce que Jésus enseigne, on aurait dû savoir depuis longtemps traiter les femmes en vraies partenaires dans l’Église. Castiglioni souligne le refus de Jésus d’enfermer les femmes dans une nature ou une vocation qui leur seraient propres. Il montre celles-ci libérées et libres en sa présence, amies véritables, disciples fidèles, protagonistes décisives de l’annonce de la Résurrection.

Fort de ces savoirs théologiques retrouvés, un troisième temps de l’ouvrage en revient à quelques défis contemporains lancés par les théologies féministes, et plus généralement par un ordre anthropologique en crise. À ce sujet sont formulées quelques propositions remarquables pour repenser une masculinité libérée des stéréotypes tyranniques d’une virilité conquérante. De nouveau, l’auteur bouscule des partages traditionnels identifiant, par exemple, le soin ou l’intimité à la sphère du féminin. Et, de nouveau, c’est l’Évangile qui est désigné comme la référence libératrice, permettant en l’occurrence de trouver auprès de Jésus un modèle de masculinité dégagé d’archaïsmes patriarcaux.

Au nombre des défis à relever aujourd’hui s’ajoute évidemment la question ecclésiologique avec ce qu’elle impose de repenser, en particulier à propos d’une institutionnalisation des charismes présents dans les communautés chrétiennes et d’une possible « ministérialité ordonnée des femmes ». Nous sommes là au contact de l’actualité vive du dernier synode réuni par le pape François. C’est un chantier à investir d’urgence, et pour lequel l’ouvrage de Castiglioni fournit d’excellents outils, en même temps qu’il conforte dans la confiance que nous pouvons avoir dans les ressources de la tradition chrétienne. Ces ressources sont laissées dormantes, mais sont à disposition de l’institution ecclésiale, pourvu qu’elle se laisse toucher par un questionnement comme celui de ces pages.

Anne-Marie Pelletier

Prévenir la pédophilie – Marie-Jo THIEL

Les affaires de pédophilie interrogent sur un fonctionnement d’Église et sur les références de la théologie morale habituelle. Un examen de l’acte humain dans sa dimension relationnelle peut aider à intégrer diverses composantes, en particulier le souci des victimes, qui sont souvent les grandes oubliées.

Marie-Jo THIEL, article publié dans les Etudes en juin 2017

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