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Un click sur chacune vous permet de retrouver l’ensemble des documents liés
Plaidoyer pour la juste place des femmes, ACF 2015
Nous vous proposons ce texte de l’Action Catholique des Femmes, toujours d’actualité.
Vous pouvez le visualiser en suivant ce lien
Vincent Leclair répond au questionnaire de Promesses d’Eglise
« l’impression de déclassement ecclésial qu’il y a à vivre le laïcat
comme une vocation. »

Le texte de l’entretien avec Vincent Leclair est téléchargeable en cliquant ici
Vincent Leclair, 62 ans, laïc marié, père de 3 enfants, vivant à Béziers. Instituteur dans l’enseignement public jusqu’en 2019. Aumônier de prison de 2000 à 2015, aumônier général des prisons de 2009 à 2015. Membre d’une EAP (équipe d’animation pastorale) et de l’équipe diocésaine de diaconie-solidarité. Engagé dans deux mouvements de spiritualité. Actif dans le monde associatif local.
1. Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François appelle à une transformation
ecclésiale et sociale qui passe par un refus de toute forme de cléricalisme. Quel lien
faites-vous entre transformation ecclésiale et sociale ?
La transformation est nécessairement ecclésiale et sociale parce qu’elle touche à la vie
interne de l’Eglise et à son rapport à la société. Il me semble indispensable de garder le lien
entre cette transformation et le refus du cléricalisme dont parle le Pape.
Le cléricalisme est une maladie de l’organisation qui tend à confisquer ce qui est à tous au
profit de quelques-uns, à sacraliser une élite et à favoriser un fonctionnement
discriminatoire. Si ce modèle n’est pas vécu aussi durement dans la réalité ecclésiale, il y est
cependant très profondément intériorisé. Je voudrais en donner deux exemples. Voici le
texte d’une Invitation reçue lorsque je travaillais à la CEF : « les évêques en assemblée
plénière dans la maison invitent les prêtres, religieuses, religieux, diacres, salariés et
bénévoles au café dans le jardin » ; c’était une invitation envoyée selon les statuts de
chacun, descendante. Elle aurait pu être adressée aux personnels d’entretien, assistants,
collaborateurs et directeurs de services ; cela aurait été une invitation par fonctions,
ascendante. Mais, surtout, plus simplement, n’aurait-elle pas dû être adressée à tout le
monde sans distinction, invitation fraternelle, évangélique?
Deuxième exemple. Confinés pour Pâques, nous avons suivi en famille la veillée pascale à la
télévision. Au moment de la communion la vingtaine de prêtres présents a communié à
l’autel au même calice, les diacres et séminaristes ont communié ensuite, au fond du choeur,
les deux laïcs qui assuraient l’animation n’ont pas communié. La prescription sanitaire (un
seul, le célébrant, communie) a été détournée en attitude discriminatoire.
Ce schéma s’articule avec une conception étriquée de la vocation, élitiste et sacralisé. Ainsi,
dernièrement, à la messe en semaine, dans un texte de prière pour les vocations, nous avons
rendu grâce pour les vocations d’apôtres, de saints, de prêtres, de religieux et de religieuses
(et, ce fut ajouté au texte, des consacrés). Mais il ne fut question ni des diacres ni des laïcs.
Ici, le cléricalisme distingue les célibataires volontaires et les autres… Qu’advient-il de cette
vision des choses devant le scandale des abus sexuels?
Personnellement, au terme d’un long discernement, j’ai renoncé au diaconat auquel j’étais
appelé, parce que je n’y ai pas reconnu ma vocation. Je ressens chaque jour
l’incompréhension, l’impression de déclassement ecclésial qu’il y a à vivre le laïcat comme
une vocation.
Cette ambiance cléricaliste retentit sur l’image de l’Eglise dans la société. Elle apparaît
comme une institution désuète, un élément du patrimoine, nécessaire pour donner du
lustre. Cet aspect visible et stable semble rassurant dans une société incertaine. Il s’appuie
sur des éléments identitaires, peu évangéliques à mon point de vue (des titres, des habits
cléricaux, des traitements dérogatoires, des rites publics…)
Par ailleurs, l’Eglise se présente comme une experte en surplomb , mettant les autres sous
tutelle. Par exemple, pour accompagner la communication à l’Administration Pénitentiaire
d’un document de l’aumônerie des prisons sur la réinsertion, un évêque avait rédigé un petit
mot indiquant que l’Eglise catholique était prête à accueillir tous ceux qui souhaiteraient
travailler avec elle. La formule a finalement été changée pour dire que l’Eglise était heureuse
de s’engager aux côtés de tous ceux qui agissaient sur ce terrain !
2. Quels domaines ou quelles évolutions vous paraissent prioritaires aujourd’hui ?
Ce qui me semble indispensable pour faire avancer la transformation, c’est, à l’intérieur de
l’institution, de remettre à plat les notions de vocation, de ministère, de sainteté qui
séparent les croyants et d’en renouveler la compréhension en termes d’humilité,
d’ouverture à la miséricorde, de communauté et de fraternité.
Vis-à-vis de l’extérieur, l’Eglise doit vraiment se reconnaitre et se comporter comme une
institution immergée et solidaire de la société, touchée par les mêmes questions, faiblesses
et limites humaines et organisationnelles. En conversation avec le monde … (1)
3. Quel signe ou quelle expérience concrète vous fait dire que cette transformation
est déjà en marche ou en tout cas possible ?
Ce qui me donne espoir, malgré le retour préoccupant de signes distinctifs du cléricalisme,
c’est mon histoire personnelle qui m’a conduit, croyant ordinaire, à exercer une
responsabilité ecclésiale nationale et à la vivre en toute confiance et reconnaissance avec de
nombreux clercs et laïcs, à l’intérieur de l’Eglise et au dehors. Les jeunes générations, aussi,
me donnent de l’espoir. Elles ont souvent une vision bien différente de la mienne que je
peux juger naïve voire rétrograde. Mais elles inventent de nouvelles manières de vivre leur
foi qui déplacent et apaisent le rapport au ministère, à la vocation, à la sainteté. Je le vois en
particulier avec les jeunes laïcs en mission ecclésiale (LEME) de mon diocèse.
‘(1) “Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni
par les coutumes… ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et
le reste de l’existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales
de leur manière de vivre… Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des
étrangers domiciliés… Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une
terre étrangère.
De la Lettre à Diognète, n° 5-6 extraits
Véronique Margron répond au questionnaire de Promesses d’Eglise
« La transformation à laquelle le pape appelle l’Eglise peut bénéficier à tout le corps social »
Véronique Margron o.p. est prieure des Dominicaines de la Présentation pour la province de France et présidente de la CORREF (la Conférence des religieuses et religieux en France). Elle est également théologienne moraliste et ancienne doyenne de la Faculté de théologie de l’Université catholique d’Angers. Elle est l’auteure de nombreuses livres dont le dernier, « Un moment de vérité », analyse la crise que traverse l’Eglise.
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Dans sa Lettre au Peuple de Dieu, le pape François appelle à une transformation ecclésiale et sociale qui passe par un refus de toute forme de cléricalisme. Quel lien faites-vous entre transformation ecclésiale et sociale ?
Lutter contre les abus sexuels, de pouvoir et de conscience, implique le refus du cléricalisme. Cela passe par une transformation des structures et des mentalités qui, en Eglise, sont portées par une théologie et une ecclésiologie. La façon dont une communauté réagit et prend la parole révèle le jeu triangulaire entre mentalités, structures et théologie ou parfois même idéologie. Ainsi, dans l’esprit encore de beaucoup de personnes, le curé est le « patron ». Elles acceptent qu’il parle à leur place et en leur nom et ne contestent pas sa parole. Les relations sont trop à sens unique, il n’y a pas assez de place pour la réciprocité. De telles relations existent également dans la société qui connaît tragiquement aussi des cas d’abus sexuels, de pouvoir et de conscience. La transformation à laquelle le pape appelle l’Eglise peut ainsi bénéficier à tout le corps social. En vivant sa propre transformation, l’Eglise pourrait participer à soutenir la société dans sa lutte contre les abus.
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Quels domaines ou quelles évolutions vous paraissent prioritaires aujourd’hui ?
Le plus important me paraît de consentir à l’esprit critique, à tout ce qui combat la servilité et la passivité. Dans des instituts où il y a eu des abus, la pensée critique n’était pas possible. Ceux qui émettaient une opinion divergente étaient jugés réfractaires ou hérétiques. Le terreau des abus et du silence est là. Il faut oser nommer les choses, appeler un chat un chat, avoir « l’insolence de la parole ». C’est le titre d’un petit livre de Marie Cénec, une pasteure protestante qui a dû se libérer d’une emprise religieuse. La Parole de Dieu rend libre et notre parole peut et doit aussi être une parole libre ; responsable et libre. Avoir un esprit critique et une parole libre implique une bonne formation des laïcs, comme le Concile Vatican II le recommandait déjà. Cela va de pair avec l’acceptation de la pluralité, de l’altérité et du débat. Nos communautés paroissiales doivent pouvoir débattre et apprendre à vivre la contestation comme un lieu créatif, une modalité pour chercher ensemble comment se mettre au service du bien commun. Plus la pluralité et l’altérité sont respectées, plus les plus vulnérables seront protégés, car il y aura de l’espace pour la vigilance. Une communauté paroissiale doit aussi être en capacité de distinguer ce qui relève du sacerdoce ministériel (du prêtre) et ce qui n’en relève pas. Une bonne compréhension et un juste partage des responsabilités permet d’éviter que le « sacré » ne prenne trop de place.
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Quels obstacles ou quels points de vigilance voyez-vous sur ce chemin de la transformation ?
La situation est probablement différente dans les campagnes et dans les villes. Dans les zones rurales, les catholiques ont pris en charge depuis longtemps la vie de l’Eglise, sans que cela soit d’ailleurs particulièrement mis en valeur. En ville, les catholiques peuvent encore se comporter comme des consommateurs. Ils ne sont pas sollicités pour être actifs autrement qu’en rendant service. En même temps, il faut reconnaître que les contraintes professionnelles et familiales font que tous ne peuvent pas être engagés à fond dans leur paroisse. La messe dominicale doit aussi rester un moment de respiration pour ceux qui peinent le reste de la semaine. Il y a donc une vigilance à avoir dans les communautés pour ne pas épuiser les bonnes volontés, ni se laisser créer des bastions de pouvoir. Cela demande une certaine plasticité, de trouver la bonne mesure. Un autre point de vigilance est la formation des séminaristes. Ces jeunes sont souvent, aujourd’hui, issus des mêmes milieux et la question identitaire est importante pour cette génération. Ce n’est pas un reproche, la question est de savoir comment la formation va les déplacer et les accompagner. Elle ne doit pas renforcer le modèle identitaire ou l’entre soi, ni les infantiliser. Des formations communes avec des laïcs et un accompagnement par des laïcs peuvent être des pistes.
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Quel signe ou quelle expérience concrète vous fait dire que cette transformation est déjà en marche ou en tout cas possible ?
Les discours et les actes du pape François sont un signe d’espérance ! Sa vision d’une Eglise pauvre pour les pauvres, hôpital de campagne, à l’écoute des joies et des peines du monde redonne confiance à beaucoup. L’Eglise est déjà plurielle à l’échelle mondiale. Dans beaucoup de parties du monde les chrétiens se sont organisés et ont su transmettre l’Evangile même en l’absence de prêtres. L’exemple de l’Amazonie mais aussi des Eglises qui ont vécu dans la clandestinité, comme du temps de l’URSS, doivent nous instruire sur ce qui est essentiel pour la transmission. Un autre signe d’espérance est l’engagement de tant de laïcs pour cette transformation ecclésiale et sociale. Ils se sentent souvent seuls et ont besoin d’être encouragés. Bon nombre de clercs y sont engagés aussi et selon les lieux, ils sont contrés ou soutenus. Plus il y aura de la place pour la pluralité dans l’Eglise, plus tous ceux qui souhaitent sa transformation se sentiront encouragés. La prise de conscience des laïcs est fondamentale pour la lutte contre les abus en tout genre. Aujourd’hui les catholiques n’acceptent plus des choses qui sont passées inaperçues à d’autres époques. J’ai confiance que leur foi, leur esprit critique et leur liberté de parole aideront à transformer l’Eglise.
Mgr Tomas Halik : La révolution de la miséricorde et un nouvel œcuménisme
Nous proposons cet article de Mgr Tomas Halik, paru dans La Croix le 3/12/2020.
Merci à La Croix de nous permettre de publier ce texte.

Professeur de philosophie et de sociologie de la religion à l’Université Charles de Prague, Mgr Tomas Halik s’inquiète du fossé qui grandit au sein de l’Église catholique entre partisans d’une religion légaliste, tournés vers le passé, et défenseurs d’une révolution de la miséricorde, attentifs aux signes des temps.
Il y a quelques semaines, des nouvelles percutantes du Vatican ont fait la une des principaux journaux du monde. Le Pape François évoquait les homosexuels et leur droit à aimer d’une manière très humaine. Soutenant l’idée d’union civile entre personnes de même sexe, il a parlé comme s’il n’y avait pas eu de longs siècles de peur, de préjugés et de haine à l’égard des personnes non hétérosexuelles, des préjugés qui ont causé de nombreuses tragédies humaines et en ont poussé beaucoup au suicide.
Ce n’est pas ce que le Pape a dit exactement dans ce documentaire qui est crucial ; son soutien aux « unions civiles » (et non au « mariage ») des personnes LGBT et à une approche humaine de ces dernières est connu de longue date et se retrouve dans beaucoup de ses déclarations passées.
J’attendais quant à moi la réaction des ennemis de François. Y aurait-il encore de nouvelles «corrections filiales» de la part d’un groupe de théologiens conservateurs et des «dubia» (doutes, objections) de la part de certains cardinaux ? Cela s’était produit précédemment, quand, dans son encyclique Amoris Laetitia, le Pape François avait mentionné avec sensibilité que toutes les personnes divorcées et remariées ne devaient pas être brutalement privées de l’Eucharistie et tenues à l’abstinence sexuelle dans leur second mariage en toutes circonstances et pour toujours, mais que chaque cas devait être traité avec discernement et bienveillance, en tenant compte également de la conscience de chacun.
Les opposants du Pape
Ce que ces opposants exigent du Pape, c’est une application stricte de la lettre de la Loi. C’est exactement ce à quoi Jésus s’est opposé toute sa vie lors de ses rencontres avec certaines élites religieuses de son temps, engageant ses disciples à se méfier du « levain des pharisiens ».
Quel est le style de réforme de l’Église de François ? Le Pape n’est pas un révolutionnaire qui veut changer la doctrine de l’Église. Ceux qui le connaissent bien depuis des décennies disent qu’il n’est pas un théologien progressiste, mais plutôt qu’il est miséricordieux. La miséricorde est la clé pour comprendre sa personnalité et sa réforme.
Ce Pape ne change pas les normes écrites, il ne détruit pas non plus les structures extérieures, mais il transforme la praxis et la vie. Il ne change pas l’Église de l’extérieur. Au contraire, il la transforme beaucoup plus profondément, spirituellement, de l’intérieur. Il la transforme par l’esprit de l’Évangile ; c’est une révolution de la miséricorde. Dans son cas, ces mots ne sont pas de simples phrases pieuses et creuses. Sa réforme a le moyen de changer l’Église et de la ramener au cœur du message de Jésus plus profondément que bien des réformes passées.
Dans l’Épître à Philémon, nous lisons une histoire paradoxale. L’apôtre Paul a pris soin de l’esclave fugitif Onésime. Il l’a baptisé et le renvoie maintenant à son maître chrétien, Philémon, en ajoutant que l’esclave continuera à le servir. Cependant, Philémon doit aussi se rappeler qu’Onésime est maintenant son frère dans le Christ.
Un catholicisme sans christianisme
Ainsi, le christianisme ne préconise pas un renversement révolutionnaire violent du système de l’esclavage à la façon de la rébellion de Spartacus. Il appelle plutôt à la création d’un climat moral de fraternité humaine et de respect mutuel de la valeur de chaque être humain, dans lequel le système esclavagiste doit à terme rendre son dernier souffle.
Aujourd’hui, la mentalité d’une certaine forme de «catholicisme sans christianisme» (qui considère Donald Trump comme son chéri) nous rappelle les scribes et les pharisiens de l’époque de Jésus. Comment vivre avec ce poids de l’histoire de l’Église, garder le respect de l’Église, sentire cum ecclesia, et la fidélité à l’Évangile et puiser la force dans la promesse de Dieu de nous donner un « avenir plein d’espérance » ?
Le Pape François ne change pas les dogmes et ne remet pas non plus en cause les sections des documents de l’Église qui représentent des « produits » ayant expiré il y a longtemps et qui sont maintenant toxiques et nocifs. De même, le Concile Vatican II n’a pas officiellement annulé, par exemple, les indéfendables imprécations de Pie IX concernant la liberté de conscience, de la presse et de la religion (le tristement célèbre Syllabus des erreurs). Vatican II a plutôt publié un document contraignant (la constitution « Joie et espoir » – « Gaudium et Spes ») qui a fait de ces valeurs, jusqu’alors rejetées par l’Église, une partie intégrante de son enseignement.
Le courage chrétien du Pape François
Par son exemple personnel de courage chrétien, le Pape François nous inspire à ne pas être ni intimidés ni découragés par certains événements dans l’Église. Il nous appelle à agir comme de libres enfants de Dieu, en exerçant de façon responsable la liberté que le Christ nous a offerte et en ne nous soumettant pas à nouveau au joug de l’esclavage de la religion légaliste, comme l’apôtre Paul nous y invite avec force dans l’Épître aux Galates.
Au début de l'”Année de la Miséricorde«, certains d’entre nous avaient quelques doutes théologiques pour savoir si la notion de miséricorde n’interprétait pas l’amour de Dieu un peu trop »d’en haut”. Mais c’est à travers la miséricorde que nous invitons Dieu dans des relations humaines difficiles et douloureuses, non pas comme garant de principes immuables, mais plutôt comme un pouvoir bon, généreux, compréhensif, indulgent et réparateur, capable de transformer l’homme, l’Église et la société.
La ligne horizontale de la «fraternité humaine» dont le Pape a parlé dans la récente encyclique Fratelli tutti a besoin de sa ligne verticale d’amour en tant que miséricorde infinie qui dépasse toutes les frontières humainement concevables ; c’est l’amour sans frontières vers lequel nous ne pouvons nous diriger qu’en tant que but qui ne sera pleinement atteint que lorsque nous serons étreints par les bras de Dieu. Comme la plupart des sublimes paroles de Jésus, cet idéal ne doit pas devenir une «loi». Il doit plutôt rester une impulsion constamment provocante et prophétique.
Or en ces temps où le coronavirus sévit, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter d’une autre pandémie, celle du fondamentalisme et du sectarisme. En regardant les partisans catholiques de Donald Trump, je lutte contre la grande tentation du scepticisme : «Le dialogue œcuménique au sein de l’Église catholique» est-il même possible ? Je trouve le dialogue interreligieux, et surtout le dialogue avec des personnes cultivées et sérieuses en dehors de l’Église, tellement plus facile que toute discussion avec les gens qui combinent la religion avec des démarches populistes et nationalistes.
Un grand rêve s’achève en fumée
Pendant un demi-siècle, j’ai vécu un grand rêve : réunir tous ceux qui croient en Christ. Aujourd’hui, pour moi, ce rêve s’achève en fumée. Il y a des différences que je considère comme insurmontables, et ces différences ne sont pas entre les Églises mais plutôt à travers elles. Je ne peux vraiment pas défiler sous la même bannière que les gens qui prétendent avec véhémence que Dieu a créé le monde en six jours, que Moïse est l’auteur des cinq livres de Moïse (y compris les passages concernant sa propre mort), ni avec les gens qui s’opposent à quelque ordination des femmes.
Pour un grand nombre de chrétiens d’aujourd’hui, le contenu positif de la foi s’est vidé. Ils doivent donc trouver leur «identité chrétienne» dans des «guerres culturelles» contre les préservatifs, l’avortement, le mariage homosexuel, etc. Le Pape François a eu le courage de qualifier ce catholicisme réducteur et défini en négatif d’ « obsession névrotique ».
Il est certain que je ne vais pas quitter l’Église où je continuerai à rencontrer des personnes avec de telles opinions et convictions morales à la même table eucharistique. Je suis bien conscient que je suis moi aussi un être humain faillible et sujet à l’erreur. Néanmoins, je suis aux prises avec un doute de taille : n’est-il pas temps d’abandonner les poursuites de l’œcuménisme de « tous les chrétiens » et de se concentrer plutôt sur l’approfondissement d’un œcuménisme fécond (partage, synergie et enrichissement mutuel) entre personnes avisées, aussi bien croyantes que non croyantes ? Certes, nous récitons le même Notre Père et le même Credo. Cependant, je crains que nous vivions dans des univers parallèles inconciliables. La différence se trouve dans le «cœur» des gens.
J’ai la sensation d’être du même bord que les personnes qui suivent les connaissances scientifiques dans tous les domaines où la science est présente, tout en posant de profondes questions éthiques et spirituelles. Le chemin entre le fondamentalisme religieux d’un nombre considérable de chrétiens et le fondamentalisme scientifique tout aussi arrogant des athées militants est souvent étroit et difficile. Je suis néanmoins convaincu que c’est la voie à prendre pour suivre le Christ aujourd’hui.
Éviter un schisme
Nous pourrions peut-être encore éviter un schisme en instituant une sorte de « Concile Apostolique de Jérusalem », dont il est question dans les Actes des Apôtres, et en répartissant les tâches : les uns s’occuperaient des besoins des croyants qui aspirent aux certitudes du passé, tandis que les autres seraient à l’écoute des appels de Dieu dans les « signes des temps » à venir. Je me demande souvent si nous ne nous trouvons pas aujourd’hui dans une situation similaire à celle de l’apôtre Paul, qui a laissé Jacques, Pierre et les autres vénérables apôtres poursuivre leur ministère parmi les Juifs chrétiens, et a conduit la jeune et courageuse chrétienté de l’espace limité du judaïsme à l’oikoumene d’alors, dans un contexte culturel complètement différent. La mission de Paul a donné naissance au phénomène que nous appelons aujourd’hui le christianisme ; un phénomène qui annonce très probablement une sorte de détermination similaire pour franchir les frontières actuelles.
Aujourd’hui, le Pape François nous montre peut-être une telle compréhension de l’Évangile et une telle attitude envers la création et les personnes, surtout celles qui sont en marge, montrant de façon prophétique ce que nous appellerons demain le christianisme. L’identité chrétienne n’est pas enracinée dans l’immobilité mais dans le mouvement de l’Esprit qui agit dans l’histoire pour conduire les disciples de Jésus toujours plus profondément dans la plénitude de la vérité.
Intervention du père Etienne Grieu
Intervention du père Etienne Grieu, sj, lors de l’assemblée générale de promesses d’Eglise le 1er décembre 2020

Etienne Grieu est jésuite, professeur de théologie et recteur du centre Sèvres.
Bonsoir à vous. Merci pour cette invitation à participer à vos réflexions. Je dois dire que je suis très heureux de pouvoir être témoin des échanges au sein du groupe qui travaille sur la synodalité.
Ce que Christine, François et Nelly nous ont partagé, ce sont, il me semble, différentes manières de se mettre à l’écoute de Dieu :
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de l’Esprit qui est à l’œuvre dans le monde, au-delà des seuls baptisés, comme on l’a entendu de Nelly Vallance, à partir, notamment de ces situations où il y va de la dignité de l’être humain ;
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de l’Esprit qui parle en toute personne (et pas seulement chez les ténors) comme on l’a entendu dans ce qu’a dit Christine Danels en présentant cette manière de se mettre à l’écoute de l’Esprit dans les communautés de la Xavière ;
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et puis, à travers ce que Françoise Michaud a dit sur l’importance de l’accompagnateur en ACI, on voit qu’il y a des figures instituées (ici, un accompagnateur) qui sont chargées d’ouvrir un groupe, une communauté, à l’altérité de Dieu.
Finalement à travers ces trois témoignages, on retrouve des fondamentaux sur la manière dont l’Eglise écoute son Dieu : par une attention aux signes des temps, par une écoute mutuelle dans les communautés où chacun peut partager quelque chose qui lui vient de Dieu ; et puis par une écoute d’une parole qui vient d’au-delà des cercles que nous formons, Parole de Dieu, notamment que des accompagnateurs ou des ministres nous aident à entendre.
Nous pouvons facilement, je crois, nous retrouver, tous les chrétiens sur ces points. Ils font écho à ce que nous avons entendu la fois dernière, et aux fondamentaux que Claire Anne Baudin a rappelés : l’universalité du travail de l’Esprit (au-delà, donc des seuls baptisés), l’égalité de dignité des baptisés, l’attente que tout chrétien puisse partager ce qui lui vient de Dieu.
Si nous sommes bien d’accord là-dessus, à la limite, on pourrait se dire : pourquoi faire un synode sur la synodalité ? S’il y a un problème, une question à travailler, où pourrait-il se situer ?
J’émets une hypothèse : ce qui, peut-être, est difficile à admettre, depuis les temps bibliques jusqu’à aujourd’hui, c’est que le don de Dieu circule dans tous les sens. Ça c’est difficile à admettre. Reconnaître le don de Dieu, pas de problème. Reconnaître qu’il passe par certains. Pas de problème. Mais ce serait quand même plus clair si, en gros, il passait toujours par les mêmes personnes bien identifiées. Alors, on pourrait repérer le flux de circulation du don de Dieu, à la limite on pourrait le cartographier comme on fait l’organigramme des responsabilités dans une entreprise. Seulement ça ne marche jamais comme cela. Déjà, dans une entreprise, l’organigramme n’est jamais strictement respecté ; mais à plus forte raison, Dieu semble mettre un malin plaisir à passer par où il veut, le plus souvent en dehors de tout ce qui était attendu.
Et cela donne lieu, dans la révélation biblique, à un phénomène quand même très présent, c’est le retournement des positions établies. La Bible en a tout à fait conscience, et elle joue sans cesse sur ce registre : regardez Jacob et Esaü, c’est le cadet qui se retrouve avec la bénédiction destinée à l’aîné ; regardez Juda et Thamar : un des fils de Jacob se fait recadrer par une femme qui s’est mise au rang des prostituées et Juda admettra : « elle est plus juste que moi » ; regardez Joseph et ses frères : celui qui est haï et vendu comme esclave se retrouve dans la position du bienfaiteur de ses frères ; regardez David, celui qu’on avait oublié de faire venir quand Samuel passait visiter la maison, c’est celui-là qui est oint ; et ensuite, quand il est roi, David lui-même est recadré par le prophète Nathan ; regardez le prophète Amos qui dit « je ne suis pas prophète ; je suis bouvier et pinceur de sycomore ; mais le Seigneur m’a pris de derrière le troupeau et il m’a dit ‘va prophétise à mon peuple Israël’ » ; regardez Jérémie, le prophète qui ne sait pas parler. Et dans le Nouveau Testament, regardez la femme pécheresse que Jésus donne comme exemple à Simon le pharisien ; regardez Bartimée qui devient le centre d’intérêt d’une scène où il n’avait pas de place ; regardez la veuve qui met ses deux piécettes dans le trésor du temple, plus que tout ce que les autres ont mis, dira Jésus ; regardez l’itinéraire de Jésus lui-même, qui descend jusqu’à la dernière des dernières places ; regardez l’annonce de la nativité faite aux bergers, et celle de la résurrection à des femmes : dans les deux cas, des témoins de 3e catégorie ; écoutez le Magnificat avec cette parole : « il renverse les puissants de leur trône, il élève, les humbles » ; écoutez les béatitudes ; écoutez « les premiers seront des derniers et les derniers seront les premiers ». Cela fait beaucoup non ? ça fait tellement qu’on ne peut pas y voir seulement une série d’accidents, ni non plus un effet littéraire destiné à encourager les petits, comme dans les contes. Bien plus, c’est l’indice qu’on a affaire à un élément de la structure de la révélation : quand Dieu nous parle, il nous parle comme cela ; il nous parle à l’envers de nos manières d’organiser notre monde ; quand il nous parle, il prend un malin plaisir à prendre à rebours les positions reconnues.
Non pas qu’il y aurait ici quelque chose de destructeur de l’ordre social ou politique. Non, mais peut-être un avertissement : si les hiérarchies que nous mettons en place jouent toujours à sens unique, elles pourraient bien stériliser le don de Dieu. Les hiérarchies, il y en a sans cesse dans le monde comme dans l’Eglise. Mais elles parlent de Dieu quand elles acceptent de se soumettre à ce retournement des asymétries : les premiers seront des derniers, les derniers seront les premiers. Claire Anne Baudin le disait déjà la dernière fois : l’économie du salut est incompatible avec des relations qui marchent à sens unique.
Et si l’on regarde l’histoire de l’Eglise, ça continue. Je ne cite que trois exemples : la Vierge Marie apparaît à Lourdes à une jeune fille qui n’a pas pu aller au catéchisme ni faire sa première communion, et son père est passé par la case « Prison » et la honte a frappé toute la famille ; la conversion de l’Eglise qui s’opérera lors du concile Vatican II est lancée par une jeune carmélite tuberculeuse qui meurt à 25 ans à Lisieux. Le pape François, le soir de son élection, s’inclinant devant la foule rassemblée place St Pierre, demande au peuple de Dieu de prier pour lui, se plaçant ainsi sous sa prière, si l’on peut dire.
Nos liturgies, elles aussi répondent à la même structure : la structure fondamentale de nos liturgies est responsoriale : « Le Seigneur soit avec vous / Et avec votre esprit » (on voit cela aussi bien dans de très brefs échanges comme celui-ci, mais plus largement, c’est la structure de toute la liturgie : le peuple de Dieu écoute sa Parole, et lui fait réponse). Et dans cette structure responsoriale, le pôle de l’autorité n’est pas figé : il se déplace. L’évêque qui préside écoute l’Evangile qui est lu par un diacre : au moment où le diacre lit, c’est celui-ci qui représente l’autorité de la présence de Dieu pour son peuple, et l’évêque est sous cette autorité.
Pourquoi Dieu s’y prend-il ainsi ? Je répondrais volontiers : parce qu’il chercher à établir une relation vivante avec son peuple. Et une relation vivante, par définition, ça marche dans les deux sens. Dieu quand il parle, appelle ; il espère une réponse, un « me voici ». Ecouter un « me voici », c’est faire toute la place à celui qui le prononce ; c’est le mettre en position haute, plus haute que soi. Sans ce jeu de bascule des asymétries, l’alliance serait un diktat où Dieu aurait simplement donné des consignes ; et l’on n’aurait pas vu naître un peuple de l’alliance.
Toute la question pour l’Eglise, sera de chercher des manières de faire fonctionner ses institutions de façon à rendre ces retournements possibles. Je ne dis pas que c’est facile ; et cela demande de le vouloir vraiment et de réfléchir aux moyens à prendre pour cela. Par exemple dans le témoignage de Christine Danels, on entend qu’il y a eu une recherche afin de trouver une manière de se mettre à l’écoute les unes des autres et qui permette à toutes de parler ; et aussi de laisser résonner en chacune ce qu’elles ont entendu de la part des autres ; d’où le fait de faire plusieurs tours : on parle, pas seulement pour dire ce que Dieu nous inspire, mais aussi pour écouter comment il inspire les autres : chacune est invitée à ce retournement des asymétries, à un niveau personnel.
A travers le témoignage de Françoise et sa réflexion sur la figure de l’accompagnateur, s’ouvre toute la question des ministères. Car un ministre, un serviteur de la communauté, c’est quelqu’un qui d’abord, veille à ce que cette circulation du don de Dieu soit la plus vivante possible dans la communauté. C’est donc quelqu’un qui renvoie chacun à sa relation à Dieu et à la manière dont il l’accueille quand il passe par les autres. Et si l’on doit parler à son propos d’une fonction de gouvernement (on emploie ce terme pour les ministres ordonnés) cela ne veut pas dire que c’est lui le chef, lui qui est toujours dans la position haute, car alors, précisément, le retournement des asymétries serait bloqué. En fait, ce munus gubernandi, cette fonction de gouvernement, c’est l’art de faciliter la circulation du don de Dieu, c’est l’art d’aider à reconnaître là où Dieu parle à la communauté, et il y a toutes les chances que Dieu parle aussi – et même d’abord – par ceux qui paraissent les moins qualifiés pour cela.
A travers le témoignage de Nelly, on perçoit aussi l’importance de la prise en compte des autres positions que celles élaborées dans des lieux d’Eglise. Ce n’est pas toujours confortable, mais cela me semble important pour que l’Eglise ne parle pas que pour elle-même. Et dans ce mouvement d’écoute plus large que nos frontières, est à l’œuvre aussi ce renversement des asymétries ; car écouter, si on ne fait pas semblant, c’est accepter que l’autre soit en position d’autorité par rapport à moi. L’Eglise, qui a des choses à dire au monde, les dira d’autant mieux qu’elle aura vraiment écouté ce que disent les différents acteurs. Ce qui veut dire que nous nous mettons, à un moment donné, à l’école d’autres manières de voir et de penser que les nôtres.
Voilà donc le point sur lequel je voulais insister : l’Eglise est organisée comme un corps, et tout le monde n’y tient pas les mêmes fonctions, Paul le rappelle dans sa 1ère lettre aux Corinthiens. Mais il insiste sur les relations entre les membres de ce corps ; pour que relations il y ait, il faut que le courant passe dans les deux sens, que l’écoute, notamment, soit réversible. Ce n’est pas facile, parce que cela va passer par un retournement des positions établies. Mais il me semble que si l’on devait caractériser une sociabilité ecclésiale, il faudrait souligner ce trait : dans l’Eglise, les positions établies sont toujours prises à revers, comme pour indiquer qu’il ne s’agit que de positions transitoires au service de la relation vivante de Dieu avec son peuple.
Etienne Grieu
Facultés jésuites de Paris (Centre Sèvres)
Pandémie, vie de l’Eglise, quelles leçons ? – Cardinal Mario Grech
CARDINAL MARIO GRECH : UNE INTERVIEW AVEC LE NOUVEAU SECRETAIRE DU SYNODE DES EVEQUES
Interview d’Antonio Spadaro sj et de Simone Sereni publié le 23 Octobre 2020.
L’interview a été publiée sur le site de la Civilta Catholica.
Nous reproduisons ci-dessous, avec leur accord, une traduction en français.
PANDEMIE, VIE DE L’EGLISE, QUELLES LEÇONS ?
Mgr Mario Grech est le nouveau secrétaire général du Synode des évêques. Né à Malte en 1957, il a été nommé évêque de Gozo en 2005 par Benoît XVI. De 2013 à 2016, il a été président de la Conférence épiscopale de Malte. Le 2 octobre 2019, le pape François l’a nommé Pro-Secrétaire Général du Synode des évêques. À ce titre, il a participé au Synode sur l’Amazonie. L’expérience pastorale de Mgr Grech est vaste.
Sa gentillesse et sa capacité à écouter les questions nous ont incités à avoir une conversation libre. En partant de la situation de l’Église en période de pandémie – d’une ecclésiologie « en confinement » – et des défis importants qu’elle révèle pour aujourd’hui, nous sommes naturellement passés à des réflexions sur les sacrements, l’évangélisation, le sens de la fraternité humaine, et donc de la synodalité, que Monseigneur Grech considère comme étroitement liée. Une partie de l’entretien étant consacrée à la « petite église domestique », nous avons fait le choix d’une conversation menée conjointement par un prêtre et un laïc, marié et père de famille.
Mgr Grech, la période de pandémie que nous traversons encore, a forcé le monde entier à s’arrêter. La maison est devenue un lieu de refuge contre la contagion ; les rues se sont vidées. L’Église a été touchée par cette suspension de toute activité et les célébrations liturgiques publiques n’ont plus été autorisées. Quelles a été votre réflexion en tant qu’évêque, en tant que pasteur ?
Si nous prenons cela comme une opportunité, cela peut devenir un moment de renouveau. La pandémie a mis en lumière une certaine ignorance religieuse, une pauvreté spirituelle. Certains ont insisté sur la liberté de culte ou la liberté pour le culte, mais peu de choses ont été dites sur la liberté dans la manière de prier. Nous avons oublié la richesse et la variété des expériences qui nous aident à contempler le visage du Christ. Certains ont même dit que la vie de l’Église avait été interrompue ! Et c’est vraiment incroyable. Dans la situation qui a empêché la célébration des sacrements, nous n’avons pas réalisé qu’il y avait d’autres manières de faire l’expérience de Dieu.
Dans l’Évangile de Jean, Jésus dit à la Samaritaine : « L’heure vient où vous n’adorerez le Père ni sur cette montagne ni à Jérusalem. […] L’heure vient, et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car tels sont les adorateurs que le Père recherche » (Jean 4,21-23). La fidélité du disciple à Jésus ne peut être compromise par l’absence temporaire de liturgie et de sacrements. Le fait que de nombreux prêtres et laïcs soient entrés en crise parce que tout à coup nous nous sommes retrouvés dans la situation de ne pas pouvoir célébrer l’Eucharistie coram populo est en soi très significatif. Pendant la pandémie, un certain cléricalisme est apparu, même via les réseaux sociaux. Nous avons été témoins d’un degré d’exhibitionnisme et de piétisme qui a plus à voir avec la magie qu’avec une expression de foi mature.
Alors quel défi pour aujourd’hui ?
Lorsque le temple de Jérusalem où Jésus a prié a été détruit, les Juifs et les Gentils, n’ayant pas de temple, se sont rassemblés autour de la table familiale et ont offert des sacrifices par leurs lèvres et par des prières de louange. Lorsqu’ils ne pouvaient plus suivre la tradition, les Juifs et les Chrétiens ont repris la loi et les prophètes et les ont réinterprétés d’une nouvelle manière. [1] C’est aussi le défi pour aujourd’hui.
Lorsqu’il a écrit sur la réforme dont l’Église avait besoin, Yves Congar a affirmé que la « mise à jour » souhaitée par le Concile devait aller jusqu’à la découverte d’une manière nouvelle d’être, de parler et de s’engager qui réponde au besoin d’un service évangélique total pour le monde. Au lieu de cela, de nombreuses initiatives pastorales de cette période ont été centrées sur la seule figure du prêtre. L’Église, en ce sens, semble trop cléricale et le ministère est contrôlé par des clercs. Même les laïcs sont souvent conditionnés par un modèle de cléricalisme fort.
Le confinement que nous avons vécu, nous oblige à ouvrir les yeux sur la réalité que nous vivons dans nos églises. Il faut réfléchir, s’interroger sur la richesse des ministères laïcs dans l’Église, comprendre si, et comment ils se sont exprimés. A quoi sert une profession de foi, si cette même foi ne devient pas le levain qui transforme la pâte de la vie ?
Quels aspects de la vie de l’Église ont émergé de cette période contrastée ?
Nous avons découvert une nouvelle ecclésiologie, peut-être même une nouvelle théologie, et un nouveau ministère. Cela indique donc qu’il est temps de faire les choix nécessaires pour s’appuyer sur ce nouveau modèle de ministère. Ce serait un suicide si, après la pandémie, nous revenions aux mêmes modèles pastoraux que ceux que nous avons pratiqués jusqu’à présent. Nous dépensons une énergie énorme à essayer de convertir la société sécularisée, mais il est plus important de nous convertir nous-mêmes pour réaliser la conversion pastorale dont le pape François parle souvent.
Je trouve curieux que beaucoup de gens se soient plaints de ne pas pouvoir recevoir la communion et célébrer les funérailles à l’église, mais bien moins se sont inquiétés de savoir comment se réconcilier avec Dieu et son prochain, comment écouter et célébrer la Parole de Dieu et comment vivre une vie de service.
En ce qui concerne la Parole, nous devons donc espérer que cette crise, dont les effets nous accompagneront pendant longtemps, sera pour nous, en tant qu’Église, un moment opportun pour remettre l’Évangile au centre de notre vie et de notre ministère. Beaucoup sont encore « analphabètes de l’Évangile ».
À cet égard, vous avez déjà évoqué la question de la « pauvreté spirituelle » : quelle est sa nature et quelles sont, à votre avis, les causes les plus évidentes de cette pauvreté ?
Il est indéniable que l’Eucharistie est la source et le sommet de la vie chrétienne ou, comme d’autres préfèrent le dire, le sommet et la source de la vie même de l’Église et des fidèles [2] ; et il est également vrai que « la célébration liturgique […] est l’action sacrée par excellence, et qu’aucune autre action de l’Église n’égale son efficacité au même degré » [3] ; mais l’Eucharistie n’est pas la seule possibilité pour le chrétien d’expérimenter le Mystère et de rencontrer le Seigneur Jésus. Paul VI l’a bien observé en écrivant que dans l’Eucharistie « la présence du Christ est « réelle » et non de façon exclusive, comme si les autres n’étaient pas « réelles ». » [4]
Par conséquent, il est préoccupant que quelqu’un se sente perdu en dehors du contexte eucharistique ou du culte, car cela montre une ignorance des autres façons de s’engager dans le Mystère. Cela indique non seulement qu’il existe un certain « analphabétisme spirituel », mais c’est la preuve de l’insuffisance de la pratique pastorale actuelle. Il est très probable que dans un passé récent, notre activité pastorale a cherché à conduire aux sacrements et non à conduire – à travers les sacrements – à la vie chrétienne.
La pauvreté spirituelle et l’absence d’une vraie rencontre avec l’Évangile ont de nombreuses implications…
Certainement. Et on ne peut pas vraiment rencontrer Jésus sans s’engager à l’égard de sa Parole. Concernant le service, voici une réflexion : ces médecins et infirmières qui ont risqué leur vie pour rester proches des malades n’ont-ils pas transformé les salles d’hôpital en « cathédrales » ? Le service aux autres dans leur travail quotidien, en proie aux exigences de l’urgence sanitaire, était pour les chrétiens un moyen efficace d’exprimer leur foi, de refléter une Église présente dans le monde d’aujourd’hui, et non plus une « Église de sacristie », absente des rues, ou se satisfaisant de projeter la sacristie dans la rue.
Ainsi, ce service peut-il être un moyen d’évangélisation ?
La fraction du pain eucharistique et de la Parole ne peut se faire sans rompre le pain avec ceux qui n’en ont pas. C’est cela la diaconie. Les pauvres sont théologiquement le visage du Christ. Sans les pauvres, on perd le contact avec la réalité. Ainsi, tout comme un lieu de prière dans la paroisse est nécessaire, la présence de la cuisine pour la soupe, au sens large du terme, est importante. La diaconie ou le service d’évangélisation là où il y a des besoins sociaux est une dimension constitutive de l’être de l’Église, de sa mission.
De même que l’Église est missionnaire par nature, c’est de cette nature missionnaire que découle la charité pour notre prochain, la compassion, qui est capable de comprendre, d’aider et de promouvoir les autres. La meilleure façon de faire l’expérience de l’amour chrétien est le ministère du service. Beaucoup de gens sont attirés par l’Église non pas parce qu’ils ont participé à des cours de catéchisme, mais parce qu’ils ont participé à une expérience significative de service. Et cette voie d’évangélisation est fondamentale dans l’ère actuelle de changement, comme le Saint-Père l’a observé dans son discours à la Curie en 2019 : « Nous ne sommes plus en régime de chrétienté. »
La foi, en fait, n’est plus une condition préalable évidente pour vivre ensemble. Le manque de foi, ou plus clairement la mort de Dieu, est une autre forme de pandémie qui fait mourir des gens. Je me souviens de la déclaration paradoxale de Dostoïevski dans sa Lettre à Fonvizin : « Si quelqu’un me montrait que le Christ est en dehors de la vérité et qu’il s’avère effectivement que la vérité est en dehors du Christ, je préférerais rester avec le Christ plutôt qu’avec la vérité. ” Le service rend manifeste la vérité propre au Christ.
La fraction du pain à la maison pendant le confinement a finalement mis en lumière la vie eucharistique et ecclésiale vécue dans la vie quotidienne de nombreuses familles. Pouvons-nous dire que le foyer est redevenu Église, y compris « église » au sens liturgique ?
Cela m’a semblé très clair. Et ceux qui, pendant cette période où la famille n’a pas eu l’opportunité de participer à l’Eucharistie, n’ont pas saisi l’occasion d’aider les familles à développer leur propre potentiel, ont raté une occasion en or. D’un autre côté, il y a eu des familles qui, en cette période de restrictions, se sont révélées, de leur propre initiative, « créatives dans l’amour ». Cela inclut la manière dont les parents accompagnent leurs jeunes dans des formes de scolarisation à domicile, l’aide offerte aux personnes âgées, la lutte contre la solitude, la création d’espaces de prière et la disponibilité aux plus pauvres. Que la grâce du Seigneur multiplie ces beaux exemples et redécouvre la beauté de la vocation et des charismes cachés dans toutes les familles.
Vous avez parlé plus tôt d’une « nouvelle ecclésiologie » qui émerge de l’expérience forcée du confinement. Que suggère cette redécouverte de la maison ?
Cela suggère que l’avenir de l’Église est ici, à savoir, dans la réhabilitation de l’Église domestique et en lui donnant plus d’espace, une Église-famille composée d’un certain nombre de familles-Église. Telle est la prémisse valide de la nouvelle évangélisation, qui nous semble si nécessaire entre nous. Nous devons vivre l’Église au sein de nos familles. Il n’y a pas de comparaison entre l’Église institutionnelle et l’Église domestique. La grande Église communautaire est composée de petites Églises qui se rassemblent dans des maisons. Si l’Église domestique échoue, l’Église ne peut pas exister. S’il n’y a pas d’Église domestique, l’Église n’a pas d’avenir ! L’Église domestique est la clé qui ouvre des horizons d’espérance !
Dans les Actes des Apôtres, nous trouvons une description détaillée de l’Église domestique, la domus ecclesiae : « Jour après jour, alors qu’ils passaient beaucoup de temps ensemble dans le temple, ils rompaient le pain à la maison et mangeaient leur nourriture avec un cœur heureux et généreux » (Actes 2,46). Dans l’Ancien Testament, la maison familiale était le lieu où Dieu se révélait et où la célébration la plus solennelle de la foi juive, la Pâque, était célébrée. Dans le Nouveau Testament, l’Incarnation a eu lieu dans une maison, le Magnificat et le Benedictus ont été chantés dans une maison, la première Eucharistie a eu lieu dans une maison, de même que l’envoi du Saint-Esprit à la Pentecôte. Au cours des deux premiers siècles, l’Église se réunissait toujours dans la maison familiale.
Récemment, l’expression « petite église domestique » a souvent été utilisée avec une note réductrice, peut-être involontairement… Cette expression aurait-elle pu contribuer à affaiblir la dimension ecclésiale du foyer et de la famille, si facilement comprise par tous, et qui nous paraît aujourd’hui si évidente ?
Nous en sommes peut-être à ce stade à cause du cléricalisme, qui est l’une des perversions de la vie sacerdotale et de l’Église, malgré le fait que le Concile Vatican II ait restauré la notion de famille comme « Église domestique » [5] en développant l’enseignement sur le sacerdoce commun. [6] Dernièrement, j’ai lu cette explication précise dans un article sur la famille. La théologie et la valeur de la pastorale dans la famille vue comme Église domestique ont pris un tournant négatif au IVe siècle, avec la sacralisation des prêtres et des évêques, au détriment du sacerdoce commun du baptême, qui commençait à perdre de sa valeur. Plus l’institutionnalisation de l’Église progressait, plus la nature et le charisme de la famille en tant qu’Église domestique diminuait. Ce n’est pas la famille qui est subsidiaire à l’Église, mais c’est l’Église qui doit être subsidiaire à la famille. Dans la mesure où la famille est la structure fondamentale et permanente de l’Église, il convient de lui redonner une dimension sacrée et cultuelle, la domus ecclesiae. Saint Augustin et Saint Jean Chrysostome enseignent, dans le sillage du judaïsme, que la famille doit être un milieu où la foi peut être célébrée, méditée et vécue. Il est du devoir de la communauté paroissiale d’aider la famille à être une école de catéchèse et un espace liturgique où le pain peut être rompu sur la table de la cuisine.
Qui sont les ministres de cette « Église-famille » ?
Pour saint Paul VI, le sacerdoce commun est vécu de manière éminente par les époux, armés de la grâce du sacrement du mariage [7]. Les parents, donc, en vertu de ce sacrement, sont aussi les « ministres du culte », qui, pendant la liturgie domestique rompent le pain de la Parole, prient avec elle et transmettent la foi à leurs enfants. Le travail des catéchistes est valable, mais il ne peut remplacer le ministère de la famille. La liturgie familiale elle-même initie les membres à participer plus activement et consciemment à la liturgie de la communauté paroissiale. Tout cela permet de faire la transition de la liturgie avec un clerc à la liturgie familiale.*
Au-delà de l’espace strictement domestique, croyez-vous que la spécificité de ce « ministère » de la famille, des époux et de la relation conjugale peut et doit aussi avoir une importance prophétique et missionnaire pour toute l’Église ainsi que pour le monde ? Sous quelles formes, par exemple ?
Bien que pendant des décennies, l’Église ait réaffirmé que la famille est la source de l’action pastorale, je crains qu’à bien des égards, cela ne soit maintenant devenu simplement une partie de la rhétorique de la pastorale familiale. Beaucoup ne sont toujours pas convaincus du charisme évangélisateur de la famille ; ils ne croient pas que la famille a une « créativité missionnaire ». Il y a beaucoup à découvrir et à intégrer. J’ai personnellement vécu une expérience très stimulante dans mon diocèse avec la participation des couples et des familles à la pastorale familiale. Certains couples ont participé à la préparation du mariage ; d’autres accompagnaient les jeunes mariés au cours des cinq premières années de leur mariage (8).
Les familles « sont appelées à poser leur marque dans la société, trouvant d’autres expressions de fécondité qui prolongent en quelque sorte l’amour qui les soutient. » [9] Un résumé de tout cela se trouve dans le Document final du Synode des Évêques sur le Famille, où les Pères synodaux écrivaient : « La famille se constitue ainsi comme sujet de l’action pastorale à travers l’annonce explicite de l’Évangile et l’héritage de multiples formes de témoignage : solidarité avec les pauvres, ouverture à la diversité des personnes, soin de la création, solidarité morale et matérielle avec les autres familles, en particulier les plus nécessiteuses, engagement pour la promotion du bien commun à travers la transformation de structures sociales injustes, à partir du territoire dans lequel il vit, en pratiquant des œuvres de miséricorde corporelle et spirituelle. » [10]
Revenons maintenant à considérer un horizon plus large. Le virus ne connaît pas de barrières. Si des égoïsmes individuels et nationaux sont apparus, il est vrai qu’il est clair aujourd’hui que sur Terre nous vivons une fraternité humaine fondamentale.
Cette pandémie doit nous conduire à une nouvelle compréhension de la société contemporaine et nous permettre de discerner une nouvelle vision de l’Église. On dit que l’histoire est un professeur qui n’a souvent pas d’élèves ! Précisément à cause de notre égoïsme et de notre individualisme, nous avons une mémoire sélective. Non seulement nous effaçons de notre mémoire les difficultés que nous causons, mais nous sommes également capables d’oublier nos voisins. Par exemple, dans cette pandémie, les considérations économiques et financières ont souvent pris le pas sur le bien commun. Dans nos pays occidentaux, bien que nous soyons fiers de vivre en régime démocratique, en pratique tout est conduit par ceux qui possèdent le pouvoir politique ou économique. Au lieu de cela, nous devons redécouvrir la fraternité. Si l’on assume la responsabilité liée au Synode des Évêques, je pense que synodalité et fraternité sont deux termes qui se s’appellent mutuellement.
Dans quel sens ? La synodalité est-elle également proposée à la société civile ?
Une caractéristique essentielle du processus synodal dans l’Église est le dialogue fraternel. Dans son discours au début du Synode sur les jeunes, le Pape François a déclaré : « Le Synode doit être un exercice de dialogue avant tout entre ceux d’entre vous qui y participent. » [11] Et le premier fruit de ce dialogue est que chacun s’ouvre à la nouveauté, au changement d’opinion, à se réjouir de ce que disent les autres. » [12] Par ailleurs, au début de l’Assemblée spéciale du Synode pour l’Amazonie, le Saint-Père a fait référence à la « fraternité mystique » [13] et a souligné l’importance d’une atmosphère fraternelle parmi les pères synodaux, « en gardant la fraternité qui doit exister ici » [14] et non la confrontation. À une époque comme la nôtre, où l’on assiste à des revendications excessives de souveraineté des États et à un retour d’une approche de classes, les sujets sociaux pourraient réévaluer cette approche « synodale », ce qui faciliterait une voie de rapprochement et une vision coopérative. Comme le soutient Christoph Theobald, ce « dialogue fraternel » peut ouvrir une voie pour surmonter la « lutte entre intérêts compétitifs » : «Seul un sentiment réel et quasi-physique de « fraternité » peut permettre de surmonter la lutte sociale et de donner accès à une compréhension et une cohésion, certes fragiles et temporaires. L’autorité se transforme ici en « autorité de fraternité » ; une transformation qui suppose une autorité fraternelle, capable de susciter, par interaction, le sentiment évangélique de fraternité – ou “ l’esprit de fraternité ”, selon le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme – alors que les tempêtes de l’histoire risquent de le balayer. » [15]
Dans ce cadre social, les paroles clairvoyantes du Saint-Père résonnent fortement lorsqu’il a dit qu’une Église synodale est comme une bannière levée parmi les nations dans un monde qui appelle à la participation, à la solidarité et à la transparence dans l’administration des affaires publiques, mais qui au contraire place souvent le sort de tant de gens entre les mains avides de groupes au pouvoir étroit. Dans le cadre d’une Église synodale qui « marche ensemble » avec les hommes et les femmes et participe aux travaux de l’histoire, nous devons cultiver le rêve de redécouvrir la dignité inviolable des peuples et la fonction de service de l’autorité. Cela nous aidera à vivre d’une manière plus fraternelle et à construire un monde, pour ceux qui viendront après nous, qui soit plus beau et plus digne de l’humanité. [16]
Notes et références :
- DOI: La Civiltà Cattolica, En. Ed. Vol. 4, no. 10 art. 7, 1020: 10.32009/22072446.1020.7
- [1]. See T. Halik, “Questo è il momento per prendere il largo”, in Avvenire, April 5, 2020, 28.
- [2]. See Vatican Ecumenical Council II, Constitution Sacrosanctum Concilium (SC), No. 10, December 4, 1963.
- [3]. SC 7.
- [4]. Paul VI, Encyclical Letter Mysterium Fidei, No. 40, September 3, 1965.
- [5]. Second Vatican Ecumenical Council, Constitution Lumen Gentium (LG), No. 11; Decree Apostolicam Actuositatem (AA), No. 11.
- [6]. See LG 10.
- [7]. Paul VI, General Audience, August 11, 1976.
- [8]. Francis, General Audience, September 16, 2015.
- [9]. Id., Post-Synodal Apostolic Exhortation Amoris laetitia, No. 181, March 19, 2016.
- [10]. Final Report of the Synod of Bishops, October 24, 2015.
- [11]. Francis, Address at the beginning of the Synod dedicated to young people, October 3, 2018.
- [12]. See ibid.
- [13]. Id., Apostolic Exhortation Evangelii Gaudium, No. 92, November 24, 2013.
- [14]. Id., Greeting at the opening of the Special Assembly of the Synod of Bishops for the Pan-Amazonian Region, October 7, 2019.
- [15]. C. Theobald, Dialogue and Authority between Society and Church, prolusion at the Dies academicus of the Theological Faculty of Triveneto (www.fttr.it/wp-content/uploads/2018/11/THEOBALD-prolusione-dies-Fttr22-11-2018.pdf), November 22, 2018. https://www.laciviltacattolica.com Interview de Mgr Mario GRECH – 23 Octobre 2020
- [16]. Cf. Francis, Address for the 50th Anniversary of the Institution of the Synod of Bishops, October 17, 2015.