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Bonne lecture et bonne réflexion

Élections législatives : personne ne fera le bonheur sur le malheur des autres

A l’approche des élections législatives, plusieurs membres de Promesses d’Église prennent la parole.

Nous vous proposons les liens vers les déclarations dont nous avons eu connaissance :

Véronique Margron, présidente de la CORREF, refuse les discours extrémistes qui montent les Français les uns contre les autres :

Plusieurs mouvements appellent à se mobiliser pour construire une société plus fraternelle et solidaire.
Le CCFD-Terre solidaire :
Le Secours catholique:
Le MRJC:
La JOC :
Les semaines sociales de France :
le MCC :

Synode sur la synodalité, ce qui a bougé, ce qui reste à bâtir

Entretien préparé avec le groupe local de Promesses d’Église “Chrétiens engagés pour une Église synodale” et l’antenne de Rouen  des Semaines Sociales de France.

A partir de l’expérience synodale de Christoph Theobald

Conférence web Mardi 28 mai à 20h30

Retrouvez le podcast en suivant ce lien

Christoph Theobald , franco allemand, est jésuite. Il fait partie du groupe des théologiens invités à l’actuel synode sur la synodalité. Professeur émérite au Centre Sèvres, auteur de nombreux ouvrages de référence il a publié récemment “Un nouveau concile qui ne dit pas son nom”

L’Église a-t-elle un problème avec les femmes ? Entretien avec Mgr Vesco

Femmes, fraternité, altérité : l’archevêque d’Alger, Jean-Paul Vesco, s’exprime

 Entretien publié par “Donne, Chiesa, Mondo”, le supplément mensuel de l’Osservatore Romano de mars 2024. Propos recueillis par Marie-Lucile Kubacki.

Archevêque d’Alger et franco-algérien, Jean-Paul Vesco, soixante et un ans, a longuement réfléchi à la notion de fraternité et d’altérité, l’un des fruits de son expérience en Algérie et de son appartenance à l’ordre dominicain, qui imprègne sa réflexion sur les femmes.

« Oui, l’Église a un problème »

 L’Église catholique a-t-elle un problème avec les femmes ?

 La formulation de la question est un peu provocatrice, mais oui l’Église a depuis des siècles un problème avec les femmes, comme d’une façon générale les deux autres monothéismes et peut-être la plupart des religions. Cela ne vaut pas excuse, il aurait été tellement bon et légitime qu’il en fut différemment pour le christianisme depuis les origines ! A quelques heureuses exceptions récentes près, les femmes sont absentes de la gouvernance et du commentaire de la parole de Dieu lors de la célébration dominicale, alors qu’elles sont présentes partout ailleurs. Elles sont la chair des paroisses, elles sont souvent l’âme des églises domestiques que sont les familles et ce sont encore elles qui, la plupart du temps, s’occupent du catéchisme.

 Dans notre représentation, l’Église est par définition atemporelle, une Église patriarcale hors des courants, des modes et des outrages du temps. Or, en l’absence d’une implication beaucoup plus forte des femmes dans des fonctions de responsabilité et de visibilité, notre Église court paradoxalement le risque de devenir une Église démodée, non pas atemporelle mais anachronique et dépassée dans son organisation. L’Église catholique, c’est-à-dire universelle, si elle n’est pas du monde est bien inscrite dans le monde et elle ne peut pas se réfugier dans une logique de niche auto référencée par rapport au monde.

 La question des responsabilités des laïcs et donc aussi des femmes a été largement soulevée lors des consultations qui ont précédé le synode : aujourd’hui le problème saute aux yeux. La guerre des enfants de chœur qui voudrait qu’il n’y ait que des garçons autour de l’autel comme cela se voit en certains endroits, ne passe plus. Dans les dicastères du Vatican où les femmes commencent à être plus nombreuses qu’autrefois, et où elles occupent de plus hautes responsabilités, l’atmosphère est radicalement différente. Il suffit de quelques femmes pour que, déjà, la curie ne soit plus cet entre soi clérical malheureusement si facilement stigmatisable.

 On dit souvent qu’il serait aujourd’hui impossible de réunir un concile au niveau de l’Église universelle en raison de la difficulté matérielle à rassembler plus de 5000 évêques. Mais là n’est plus la question. L’image de la salle Paul VI, pendant le synode, avec des cardinaux, des évêques, des prêtres, des religieux et des religieuses, des laïcs, hommes et femmes, autour des tables sur un même plan manifeste un basculement d’époque, la prise de conscience qu’il est devenu impossible de décider seulement entre évêques. D’une certaine manière, le synode sur la synodalité a très naturellement rendu obsolète la perspective d’un concile Vatican III ! Qui pourrait aujourd’hui imaginer que l’avenir de l’Eglise puisse se discerner dans une assemblée d’évêques seulement ?

Quelle est la place des femmes dans la gouvernance du diocèse d’Alger ?

Dans notre diocèse, j’ai voulu m’entourer d’une équipe restreinte en plus des différents conseils. Elle est composée des principaux responsables qui forment la curie diocésaine : vicaire général, secrétaire générale, économe, économe-adjointe, responsable de la diaconie et moi-même. Il se trouve que cela forme une équipe composée de quatre femmes et deux hommes. La plupart des décisions sont réfléchies ensemble. D’une façon plus générale, je vis dans un environnement essentiellement féminin et c’est du bonheur au quotidien ! Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’accrochages. Un jour, l’une d’elles m’a lancé : “ à la fin, de toutes façons, c’est toi qui décides !”. C’est vrai, et c’est une vraie question. Dans notre Eglise catholique, les décisions sont assumées par l’évêque qui les incarne. Le modèle peut sans doute évoluer. A ce titre les modèles de gouvernance dans la vie religieuse peuvent être inspirants : beaucoup de décisions sont prises par des chapitres ou des conseils élus, et les limitations au pouvoir de décision des supérieurs ne retirent rien à leur pouvoir symbolique. Cela dit, il me semble que dans la plupart des cas, la confiance qui nait de la connaissance mutuelle et de la poursuite d’un projet commun, fait que la plus grande partie des décisions font l’objet d’un large consensus quand ce n’est pas l’unanimité. En dans tous les cas, les avis de chacun et chacune ont été entendus et ont pesé d’une façon ou d’une autre sur la décision qui s’en ressent. Je crois que c’est une expérience forte pour chacun et chacune, moi y compris !

Derrière la question des femmes il y a celle de la place des laïcs…

Bien sûr ! Lors de la phase diocésaine du synode sur la synodalité, dans le diocèse d’Alger, le souhait des chrétiens natifs du pays à participer à la vie de l’Église a été fortement exprimé. Ils considèrent à juste titre l’Église comme leur Église car algérienne. Pourtant, ils se sentent marginalisés au profit de permanents que nous sommes, essentiellement religieux et étrangers, qui depuis l’indépendance du pays constituent l’essentiel des forces vives de l’Église. De fait, ils étaient quasiment absents des instances de décision. Nous avons entendu cet appel et en avons tenu fortement compte dans la composition des différents conseils épiscopal, économique et pastoral. Au conseil épiscopal, il y a trois prêtres, une religieuse, une focolarine et 4 laïcs algériens dont 2 femmes. Cela change totalement l’atmosphère. Là encore, nous sortons d’un entre-soi. Ce n’est pas toujours facile et rien n’est gagné, mais nos codes, nos évidences, sont à remiser au placard. Il nous faut apprendre à nous comprendre et à mesurer l’abîme d’incompréhension qui parfois nous sépare dont nous n’avions pas conscience car il n’avait pas de lieu d’expression. Notre Église doit devenir beaucoup moins cléricale, c’est un enjeu pour l’Église universelle à tous les niveaux et en tous lieux. Cet enjeu n’est pas dépourvu d’une revendication de pouvoir, avec tout ce que cela peut avoir de désagréable. Mais reprocher à l’autre de vouloir prendre un pouvoir signifie souvent l’exercer soi-même sans forcément en avoir conscience. C’est la raison pour laquelle j’ai beaucoup de mal à entendre écarter les revendications de femmes dans l’Église par un : “pourquoi veulent-elles le pouvoir ?”

Dans un certain nombre de sociétés, le fonctionnement de l’Église se trouve en tension sur ces questions avec l’idéal démocratique !

Le principe d’organisation hiérarchique de l’Église est d’inspiration monarchique…étant sauve la succession héréditaire ! C’est l’organisation humaine qui est depuis presque l’origine la garante de l’unité, et elle a plutôt fait ses preuves. En tous les cas, nous sommes cela. Cela n’exclut pas en son sein des fonctionnements et des instances plus démocratiques à l’instar des monarchies modernes. Nos frères et sœurs des Églises protestantes ont viscéralement cette culture démocratique, c’est-à-dire synodale, et nous aurions sans doute beaucoup à apprendre d’eux dans ce grand mouvement de synodalité à la mode catholique initié par le Saint Père. La dynamique synodale ne va pas s’arrêter, elle va s’étendre et se répandre à tous les niveaux de l’Église sans pour autant remettre en cause sa structure sacramentelle. Tout retour en arrière apparaitra vite complètement anachronique parce que l’Église est l’affaire de tous les baptisés. Ma conviction profonde est que la responsabilité dans l’Église, dont les questions de pouvoir sont une dénaturation, augmente en même temps qu’elle se partage. Partager la responsabilité c’est l’augmenter et notre Église souffre d’un grand déficit de prise de responsabilité.

Que pensez-vous du diaconat féminin ?

A titre personnel, je l’appelle de mes vœux ! Il me semble impossible de priver les fidèles, et donc moi aussi, de la réception féminine de la Parole de Dieu. Aucun des arguments avancés ne m’a jamais convaincu. Alors oui, j’aimerais que cette question du diaconat féminin avance ou qu’à tout le moins un pas de plus soit fait dans le sens de l’autorisation des femmes, et plus généralement des laïcs formés, à commenter la parole de Dieu dans le cadre de la célébration dominicale. A la différence du ministère presbytéral, le diaconat féminin trouve des racines dans la tradition de l’Église et je peine à voir les objections qui peuvent lui être opposées, sauf à réserver le chœur, c’est-à-dire l’exercice du sacré, au masculin. Sur cette question des ministères, comme sur celle de la gouvernance, l’horizon se dévoile et s’élargit en marchant. Ce qui semblait impensable hier peut si facilement devenir une évidence demain. Une présence uniquement masculine dans le chœur, les grandes processions d’entrée exclusivement masculines nous semblent aujourd’hui aller de soi. En sera-t-il toujours ainsi ou cela nous apparaitra-t-il un jour trop anachronique ? Le seul fait de se poser la question opère déjà un changement du regard…

Le problème ne vient-il pas du fait que l’on considère souvent les vocations féminines non pas en soi, mais par rapport aux vocations masculines ?

En effet, la vocation féminine dans l’Église est traditionnellement pensée en terme de complémentarité. Ce n’est plus suffisant, il faut aussi la penser en terme d’altérité. La vocation féminine vaut par elle-même. Cette dimension d’altérité est à présent très présente dans la vie conjugale. Les tâches sont partagées, les deux parents peuvent travailler, s’occuper des enfants… Chacun les accomplit dans sa différence de sexe, de caractère… Ce sont les mêmes tâches effectuées différemment. C’est vrai pour tous les domaines de la société. Comment penser qu’il ne puisse pas y avoir un écho de cette évolution sociétale au sein de l’Église dans la façon dont sont exercés les charismes et les ministères, dans le respect de la tradition qui n’est pas un corps mort mais un corps vivant, à la fois immobile et toujours en mouvement.

Cette question de l’altérité renvoie à celle de la fraternité. En effet, la fraternité à la fois requiert et rend possible l’altérité. Ce n’est pas tout à fait le cas de la paternité spirituelle. Je crois à la paternité spirituelle, en tant que frère dominicain en formation j’en ai fait l’expérience. Mais cette paternité spirituelle, je l’ai reçue d’un frère, d’un alter-ego autrement plus avancé que moi dans la vie religieuse, et aussi dans la sainteté. S’il n’était pas décédé avant, j’aurais pu être son prieur provincial. J’ai du mal avec la paternité spirituelle institutionnalisée telle que nous la vivons dans l’Église. Les rôles ne s’inversent jamais à l’instar de la paternité dans la vraie vie où les relations ne cessent d’évoluer entre des parents et des enfants sur l’ensemble d’une vie. Un jour, les enfants prennent soin des parents. Il en va différemment du patriarche qui conserve son autorité jusqu’à la mort. Et dans ce sens, la paternité spirituelle institutionnalisée me semble davantage un modèle patriarcal que paternel. La fraternité, comme dans une vraie fratrie, rend possible toutes les formes de relations. Une grande sœur pourra avoir un temps un rôle maternel vis-à-vis de son petit frère. Il en restera toujours quelque chose, mais chacun vivra l’altérité fondamentale qu’ils ont reçue du fait d’être l’une et l’autre enfants de mêmes parents. La vie se chargera de faire évoluer leur lien, et peut-être un moment de l’inverser.

Je crois profondément que notre Église a davantage à se penser comme une communauté de frères et de sœurs. C’est le témoignage le plus haut qu’elle puisse donner au monde. Davantage qu’une lutte de pouvoir, le rééquilibrage nécessaire entre clercs et laïcs, entre hommes et femmes est un enjeu d’altérité et de fraternité. Si j’aime être appelé frère plutôt que père ou monseigneur, ce n’est pas par fausse modestie ou coquetterie, c’est précisément en raison de cet enjeu d’altérité qui ne relève pas d’un choix mais d’une évidence : j’ai besoin des frères et des sœurs de mon diocèse, comme j’avais besoin de mes frères dominicains pour être ce que je suis pour eux.

Le Dorothy , animé par des chrétiens, ouvert à tous, fraternel

Entretien avec Constance Gros, membre de l’équipe d’animation du café-atelier associatif Le
Dorothy
Propos recueillis par Dominique Quinio

Vous êtes engagée dans le café Dorothy.
Racontez-nous…
Le Dorothy, le café-atelier Le Dorothy, comme on
l’appelle, s’est ouvert à Paris en 2017. Nous avons voulu
créer un café-atelier associatif animé par des
chrétiens, ouvert à tous, dans un esprit fraternel. C’est
un lieu d’accueil où on vient pour différentes raisons,
pour rencontrer des gens, pour se poser un moment ;
c’est aussi un lieu d’activités, parce que nous
proposons des ateliers pour se former à des activités
manuelles utiles pour la vie quotidienne (électricité,
plomberie, menuiserie…), pour reprendre confiance
dans sa capacité à faire.
Nous avons toujours, aussi, des chantiers participatifs pour rendre le lieu plus accueillant. Nous offrons une programmation intellectuelle avec des conférences. Et puis, il y a des activités sociales et solidaires en lien avec des associations spécialisées du quartier. Sans compter les temps de fête, les propositions artistiques. Avec ce foisonnement, nous voulons mettre à l’honneur les différentes facettes de l’homme : nos mains, notre tête, notre cœur.
Mais le Dorothy, c’est aussi un lieu de quartier ; nous avons eu la chance de pouvoir nous installer à Ménilmontant, dans le 20ème arrondissement, où se côtoient des publics très différents ; nous sommes un lieu de convivialité, un lieu pour les personnes isolées, parce qu’en ville, il y a non seulement de la précarité mais aussi de l’isolement. L’anonymat dans une grande ville comme Paris peut être très lourd ; ces personnes retrouvent chez nous une forme de chaleur humaine, une communauté dans laquelle chacun est bienvenu.
Qui sont les animateurs de ce projet ?
En fait, il y a plusieurs types d’engagements : une quinzaine de personnes sont au conseil d’administration de l’association pour discuter des questions d’organisation et les réflexions stratégiques. Et une cinquantaine de bénévoles sont engagés dans l’animation du café ou encore les activités solidaires, par exemple le soutien scolaire, les conseils aux sans-papier. Il y a aussi une quinzaine d’artistes résidents : peintres, céramistes, stylistes, restauratrice d’œuvres d’art. Ils travaillent là, exposent leurs œuvres, proposent des ateliers. Sans en être membres, ils sont également acteurs de ce lieu.
Comment, sur le plan matériel, vit un tel lieu ?
Le local appartient à la paroisse, Notre Dame de la Croix de Ménilmontant ; c’est un terrain qui a une belle histoire d’engagement social : un grand terrain de foot qui est devenu barre HLM et centre social ; quand le centre social a quitté les lieux, la paroisse nous a loué les locaux pour un loyer faible que nous augmentons un peu chaque année pour contribuer aux ressources de la paroisse. Nous avons deux autres ressources : la sous-location d’ateliers aux artistes présents et des soirées dansantes, le mercredi soir; nous faisons payer cette activité. Par ailleurs, il y a des dons, les recettes du café et des ateliers, même si nous tenons à proposer le maximum de nos activités à prix libre. Nous avons un seul salarié.
Un lieu animé par des chrétiens, avez-vous dit : qu’est ce que cela signifie ?
Notre projet est porté par une équipe de jeunes, catholiques surtout, qui ont à cœur de mettre leur foi en pratique,
dans un projet concret qui n’a rien de révolutionnaire dans son fonctionnement mais qui répond à beaucoup des besoins repérés autour de nous. On s’est inspiré largement du café Simone à Lyon qui s’est ouvert deux ans avant nous. Nous voulons témoigner en tant que chrétiens, mais aussi soutenir la quête de spiritualité des personnes qu’on rencontre ; c’est pourquoi on propose des conférences dont les thèmes peuvent être en lien avec le religieux et le spirituel, qui font de la place au religieux ; on a aussi une vie de prière d’équipe. On vient de lancer un groupe de partage biblique ouvert à tous, croyants ou non
Quel est le profil des personnes qui fréquentent le Dorothy ?
Elles sont à l’image de nos activités. Pour le café, ce sont des gens qui ont soif de rencontres ou besoin d’un lieu de répit et de soutien ; pour les conférences, cela dépend du thème. Pour les ateliers manuels, on retrouve des Parisiens parfois plus aisés qui veulent apprendre à bricoler ; et les déjeuners du dimanche permettent de mélanger tout le monde. Nous ne sommes pas, en tout cas, un lieu catho pour les cathos. !
Et sur le plan religieux, qui sont-elles ?
Au début, nous avons constaté beaucoup de curiosité pour le lieu. Au fil du temps, des personnes ont trouvé ici un entre-deux entre le parvis et chez eux ; les chrétiens qui viennent au Dorothy ne sont pas nécessairement pratiquants mais; pour eux, le Dorothy est un lieu intermédiaire ; un lieu-tampon. Pour des gens qui sont en chemin ou qui n’ont pas encore trouvé leur place dans l’Église mais n’ont pas envie de couper les ponts. On a la chance d’être en lien avec une paroisse dynamique ; on essaie de se compléter : ainsi, le groupe biblique pourrait être complémentaire aux propositions de la paroisse. Le diner de Noël cette année a été mixé Dorothy/paroisse. Et puis, nous accueillons également des personnes plus intellectuelles ou engagées sur différentes causes et attirées par la dimension alternative du projet.
Alternative, pour ne pas dire « de gauche » ? Certains, à l’extérieur, vous qualifient ainsi.
Alternative, car il me semble que la proposition du Dorothy vient, c’est vrai, compléter ou diversifier les propositions existantes aujourd’hui dans l’Église. Nous avons choisi de nommer notre lieu Le Dorothy en référence à Dorothy Day, journaliste et activiste catholique américaine dont les engagements pour la justice sociale, la paix et le témoignage chrétien vivant sont des sources d’inspiration qui infusent de manière diverse dans notre projet et nos activités. Le Dorothy est avant tout un lieu de vie, d’action et de fraternité vécue avec des personnes de nombreux horizons, et c’est d’abord dans cet enracinement que nous situons notre projet. Nous avons à cœur que nos idées et engagements prennent leur source dans ce que nous vivons collectivement dans le lieu, c’est pourquoi nous ne nous définissons pas comme lieu militant avec une ligne de pensée, mais comme une communauté fraternelle, accueillante et au service du bien commun, même dans les toutes petites choses du quotidien, à l’image de cette citation de Dorothy Day affichée au-dessus de notre évier « Tout le monde veut faire la révolution, mais personne ne veut faire la vaisselle ».
Pour l’équipe d’animation, le Dorothy représente un fort engagement.
Effectivement. Il faut des gens qui ont un peu de temps ou de la flexibilité dans la gestion de leur temps, ou qui
habitent le quartier. Nous sommes particulièrement attentifs à l’équilibre personnel, associatif, professionnel. Nous avons une vie d’équipe, une vie communautaire, une vie spirituelle partagée. Nous faisons deux retraites par an. Nous sommes beaucoup sollicités par des personnes qui ont le désir de créer un de ces lieux, convaincus de leur nécessité. Mais ce n’est pas facile d’aller au bout de la démarche; c’est exigeant. Au Dorothy, nous avons eu la chance de connaître un alignement des planètes : une dynamique, un lieu et une équipe.
Consulter le site Internet du Dorothy : https://www.ledorothy.fr
Se rendre au Dorothy : 85 bis rue de Ménilmontant, Paris 20e

Quel avenir pour le christianisme ?

François Euvé

Quel avenir pour le christianisme ?

Salvator, 2023, 206 pages, 20 €.

recenion parue dans Études

Dans cet ouvrage, François Euvé rassemble, dans l’expression catholique contemporaine, ce qui contribue au « discernement commun ». « Esquisse de réflexions », précise-t-il, appuyées sur les pensées pionnières de Michel de Certeau, Jean-Marc Ferry, Danièle Hervieu-Léger, Anne-Marie Pelletier ou encore Christoph Theobald. Après un diagnostic des points sensibles du temps auxquelles peuvent contribuer les « lumières » du christianisme et de sa tradition, est faite une relecture de l’histoire de l’Église dans laquelle le concile Vatican II marque un changement d’esprit décisif : l’Église se fait « conversation » et entre en dialogue avec le monde, permettant que se reconstruise, dans un monde sécularisé, une éthique chrétienne relationnelle où l’autonomie subjective est reconnue. Sans aborder « directement la question de la réforme de l’Église », l’auteur pointe cependant la question majeure de la hiérarchie des sacerdoces. Il rappelle qu’« à partir d’une situation [aux origines du christianisme] où prédominait le registre égalitaire de la fraternité » s’est élaborée une distinction entre clercs et laïcs. Vatican II ressaisit cette distinction et, à côté du « sacerdoce commun » des fidèles, singularise « le sacerdoce ministériel ou hiérarchique ». La réintégration du second dans le premier, avec les transformations profondes qu’elle induirait, n’est-elle pas une hypothèse à considérer ? On peut penser que « l’avenir du christianisme » exige prioritairement une réforme ecclésiale, car comment le monde et la société pourraient-ils compter sur l’Église si celle-ci n’offre pas l’exemple d’une communauté croyante qui « parle » à tous et qui se soucie de parer à ses criminelles déviances ? Pourtant, à considérer le moment présent, n’est-il pas à redouter que ce christianisme d’ouverture, si clairement brossé par François Euvé, soit déjà menacé par des courants contraires ?

Gildas Labey